Bordel. Il m'arrive parfois d'être grossier et c'est maintenant le cas. Bordel. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Mon cerveau vient de se déconnecter mais d'une manière assez impressionnante. Maintenant, je lui commande de retracer ce qu'il s'est passé depuis que j'ai annoncé à Elfman de s'arrêter. La dernière image que j'ai vu, c'était effectivement lui, m'obéissant comme tout gueux le devrait. Je le revois en train de se retourner et de comprendre l'avantage stratégique que je nous avais fourni. Il était juste derrière le gardien. Ce dernier avait son arme pointée sur moi et le taser, je ne sais où. En me plaçant dans cette position, en lui parlant, je savais que je fournissais une opportunité à Elfman en détournant l'attention du gardien sur moi. Une action avant était impossible, il nous tenait tous les deux en joue d'une maniète telle qu'il n'aurait pas pu nous rater. Dans cette nouvelle configuration, j'avais parfaitement pris en compte le fait que je risquais une blessure. Mais je ne pensais pas qu'il l'aurait fait. Du moins c'est ce que je suppose puisque c'est la seule explication à cette perte de mémoire et de vue momentannée. J'ai dû m'évanouir sous la douleur subite. Il m'a sans aucun doute tiré dessus, je n'ai pas pu réagir, je ne l'ai pas vu venir.
Bordel. J'ai souvent sur estimé ou sous estimé mes adversaires. Il est dur de le faire juste. Mais cette fois-ci je l'ai mésestimé, tout bêtement. J'ai pensé qu'il avait plus de calme, qu'il n'aurait pas tiré sans preuve. Mal estimé. Il devait être plus animal que je ne le pensais, se fier plus à son intuition, son instinct qu'à sa raison et aux preuves cartésiennes. J'ai pris un risque, j'ai fait une faute et je la paie par cette douleur qui me donne l'impression de m'avoir arraché la tête. Heureusement, le sol froid sous ma joue me prouve qu'elle est bien toujours sur mes épaules.
Bordel. Que fait Elfman ? Il a intérêt à avoir pris le contrôle du gardien. Je rouvre les yeux. Tout semble en train de s'assombrir. Bordel. J'ai froid, mes yeux voient tout en noir, je vais mourir ? J'arrive à étirer les lèvres en un sourire douloureux lorsque je me souviens que seules les veilleuses de sécurité sont en marche. Je suis allongé sur le sol glacé. Tout s'explique. Je place une main sous ma tête et me relève. Le monde tourne autour de moi, comme à son habitude mais d'une manière désagréable. Ma gorge me brûle. Un liquide visqueux coule sur celle ci, je porte la main à mon cou et comprend. Par quel miracle la balle a t-elle évité la jugulaire, la trachée ou toute zone aussi importante sur un espace aussi réduit. Franchement, pour toucher le cou, soit ce gardien est un tireur d'élite et je ne vois pas ce qu'un tireur d'élite fait là ; soit, deuxième solution, et je penche pour celle-là, il a le diable avec lui pour me toucher avec tant de chance. Il a le diable et moi, j'ai Dieu. Si je n'ai aucune crainte envers le premier, je crois au second. Il m'aidera dans Son infinie bonté.
Bordel. Je viens de me relever en m'aidant de ma main gauche, laissant sur le mur un trace de sang non négligeable. Tout tangue et fléchit sauf ma volonté qui reste aussi puissante et ma rage qui ne cesse de grandir. L'adrénaline remplace la douleur. Au bout de quelques instants, je suis à peu près stable. J'essaie de parler mais la douleur me transperce alors le crâne comme une flèche. J'oublie cette idée. Le col roulé du pull de la larve cocaïnée boit mon sang comme un vampire. J'ai une envie de meurtre qui me prend. Je suis toujours une main contre le mur, l'autre sur ma gorge transpercée et les yeux vides sauf d'une haine qui se distingue à des kilomètres. Je veux m'évader.
La douleur devient un atout : après ces quelques minutes groggy, mon intellect a travaillé seul et a modifié le plan de base. Deux coups de feu, c'était trop. La discrétion, c'est fini. Nouvelle tactique : l'évasion de masse. Après tout, j'avais pris les clés. Mon regard se focalise à nouveau sur la scène du couloir, je reviens dans la réalité.