Rencontre suspecte

Midi. Des rues bondées et Amadäus qui filait un autre esclave. Celui-ci ignorait tout à fait sa présence même s'il s'en doutait. Il le voyait se retourner de temps à autres. Les mains dans les poches d'un des costumes mis à sa disposition, le chiot de la Prïam était en train de penser à la chance qu'il avait eu avec ce type.

C'était quelques jours avant. Il avait observé de loin la scène entre cet esclave -nommé apparemment Buddy- et son maître, un hybride un peu teigneux. Leur dispute avait éclaté en pleine rue et l'homme avait révélé ses opinions tout à fait conformes à celles d'Amadäus. Ce qu'Amadäus avait encore plus apprécié, c'était que malgré la raclée innommable qu'il s'était pris en public, l'homme n'avait pas cédé. A tel point qu’il s’était évanoui en pleine rue sous les coups. Le maître l’avait attaché à un réverbère en annonçant à la cantonade qu’il irait le rechercher plus tard. Alors que la foule se dispersait, Amadäus s’était un peu approché pour soigner un peu l’esclave. Ainsi que pour autre chose : il avait ouvert le tube attaché à son collier et avait regardé l’adresse qui y était marqué ainsi que le nom du maître. Cela n’avait pas été regardé par un aveugle.

Amadäus avait surveillé cet homme pendant deux jours et pris contact avec lui le troisième par l’intermédiaire d’une enveloppe négligemment placée. Le meneur n’avait laissé que peu de précision concernant ce que l’autre devait faire. Il se retrouvait maintenant dans une ruelle isolée et suivant les instructions sortit une deuxième enveloppe d’une fente dans le mur ainsi qu’un briquet. Il y avait quelques feuilles qu’il brûla après lecture avec le briquet qu’il garda. Amadäus sut par ce geste que l’autre était d’accord. Chacun s’en alla de son côté, l’esprit plus ou moins bouillonnant par ces perspectives nouvelles.

Le chiot des Prïam s’en alla vers un autre coin de la ville, un autre coin sordide qu’il devait « étudier ». En conséquence, son attitude était un peu étrange. Outre le fait qu’il se mémorisait le dessin des rues, il cherchait des fentes, rentrait dans les immeubles quand il le pouvait, recherchait des raccourcis, des passages plus ou moins cachés. Bref, il s’attardait à trouver tout ce qui pouvait l’intéresser. Mais au détour d’un bâtiment, il ne s’attendait pas à trouver ce qu’il avait sous les yeux. Trouver quelque chose qui lui rappelait de mauvais souvenirs.

La chose en question fut une canne. Enfin, la partie inférieure de celle-ci. Il y manquait la poignée, mais même sans ça, elle était très grande. Pour quelqu'un qui faisait a peu près deux mètres. Des que l'humain regarda au fond du cul-de-sac sombre, il put voir deux personnes. Une grande, très grande et pale, très pale. L'autre était bien plus petite et costaude que la première et semblait être de face a Amadaus. Les deux l'étaient d'ailleurs. Mais la seconde ne touchait pas le sol...

De plus près encore, l'esclave humain put constater qu'Alarin zith Quimn venait de transpercer le cœur d'un autre humain. La lame de la canne était couverte de sang et la victime bougeait encore, un filet de liquide vital coulant de sa bouche. Le démon se pencha vers l'oreille du mourant, le soulevant encore un peu avec l'épée, et lui dit a l'oreille.

"Que cela te serve de leçon d'humilité... La, ou Tu iras!"

Disant ces paroles, il fit un geste brusque de son bras et le corps glissa de la lame pour aller s'écraser sur le mur, a gauche de l'aristocrate. Cela produit d'abord un bruit humide a glacer le sang, ensuite un craquement d'os détestable. Ce n'est qu'en sortant un mouchoir blanc en tissu que l'assassin remarqua le témoin de la situation. Il sourit. Et ce fut un sourire vorace et peu engageant. Sa langue s'aventura hors de la bouche, glissant sur les dents vampiriques et les lèvres blanchâtres du trafiquant lorsqu'il nettoyait l'épée luisante. Ensuite, il soupira et dit:

"Amadaus... Tu as l'art de venir me voir a des moments fort... dérangeants. Peux-Tu imaginer ce qui vient de m'arriver? Je viens de me faire agresser par un humain! Incroyable, je n'en reviens toujours pas."

Son sourire disait autre chose. Il était vrai qu'il venait de se faire agresser, mais il en avait l'habitude. L'humain, voulant le tuer a mains nues, n'eut que peu de temps pour remarquer qu'il dégainait son arme et se retrouvait dans son dos pour le tuer. Les gens qui ont pu éviter une telle attaque se comptent sur les doigts d'une main d'un boucher aveugle... Mais le pire était le plaisir qu'il avait a raconter cela a Amadaus. Celui qu'il savait grand partisan de la liberté des esclaves et surtout des humains. Un en moins, parmi ceux qui connaitront cette liberté. Si elle arrive un jour, bien entendu.

"Enfin... Il ne fut pas de taille. Tu permets que je range ça, avant de continuer notre charmante conversation?"

Par prudence et amusement d l'effet que cela faisait toujours a Amadaus, il se téléporta vers la canne, gisant par terre, et, des qu'il avait la main dessus, de nouveau en arrière, a son emplacement précédent. Deux secondes en tout, peut-être. La lame retrouva son fourreau et Alarin s'appuya sur cette petite merveille qui le sauva plus d'une fois. Une fois en position de promenade, comme si de rien était, il adressa la parole a l'humain, vivant, sur un ton moqueur.

"Alors, petit? Que puis-je faire pour Toi? Tu as encore envie d'avoir mal aux fesses? Ou peut-être, je devrais t'inviter boire quelque chose?"

Tout des allusions a leur dernière rencontre, fort désagréable pour l'humain. La réaction de ce dernier, allait être des plus intéressantes. Nouvelle occasion de s'amuser. Et dire que le démon ne savait pas encore ce qu'il allait faire ce soir...

Trop de mauvais souvenirs. Trop de surprises aussi. Amadäus resta figé devant la scène. Les paroles du démon retentirent encore et encore dans son esprit pendant qu’il voyait le menton de l’humain trembler, le ruisseau de sang couler jusqu’à goutter sur le sol, ses mots essayant de franchir sa gorge mais n’y parvenant déjà plus. Un autre ralenti. Le mourant devenir cadavre suite au choc contre le mur puis le sol. Des bruits sourds qui le hantaient déjà depuis l’attaque au musée, qui le hantaient encore et qui le hanteront ensuite à jamais. Le chiot restait là, figé, bouche bée, à regarder ce corps sans vie, oubliant ce qui l’entourait. A un tel point qu’il sursauta lorsque l’aristocrafiquant s’adressa à lui. Il reporta rapidement son regard sur ce dernier et, passé le premier moment de surprise, sa bouche se ferma, il courba la tête, regardant Quimn par-dessous et non par humilité. Son regard s’était fait plus noir, ses dents plus serrées. Le démon lui posa une question purement rhétorique avant de se téléporter. Deux fois. Et de le faire sursauter. Deux fois. L’humain se renfrogna un peu plus. Qu’il avait horreur de ce pouvoir ! Instantané, sans lumière ni bruit. Le pouvoir parfait, le pouvoir qu’il détestait.

"Alors, petit? Que puis-je faire pour Toi? Tu as encore envie d'avoir mal aux fesses? Ou peut-être, je devrais t'inviter boire quelque chose?"

L’humain s’avança vers son ancien kidnappeur. Tout en marchant, il grognait :

« Pour moi ? Ce que vous pouvez faire ? Vous prendre votre canne et vous étouffer avec, ce serait possible ? A moins que vous ne vous l’enfonciez dans le cul, qu’elle vous déchire la rate et le foie et que vous creviez à petit feu en vous gargarisant dans votre bile ? Vous pouvez aussi foncer vers ce mur tête baissée et vous assommer avec. Je vous garantie alors que votre sommeil sera d’excellente qualité… Ou encore si vous voulez m’inviter à boire un verre, je suis d’accord. Je vous servirai un excellent laxatif… A moins que vous ne préféreriez un cru exceptionnel ! Année 1979. Une ciguë de toute première qualité !»

A peu de mètres du démon, l’humain bifurqua et se dirigea ver le cadavre. Il s’agenouilla à ses côtés et le regarda d’un air désolé. Sa main droite passa sous son cou et le souleva un peu pendant que l’autre vint abaisser les paupières. Ses épaules se soulevèrent puis se rabaissèrent dans un soupir.

« Cet humain vous a attaqué ? En effet, c’en est incroyable. Qu’il y ait quelqu’un d’aussi lucide que moi dans cette ville ! Dommage qu’il a fait ça sur un coup de tête et sans préparation. Mais je n’ai crainte. Bientôt Alarin Junior criera et dansera de joie sur son héritage gagné. Et… Sur votre cadavre. »

Amadäus avait jeté un regard assassin au démon. Il savait que ce n’était même pas la peine de s’en cacher : l’autre s’en doutait déjà s’il n’était pas certain de ses intentions. Il devait au moins lui reconnaître cela : Alarin Zith Quimn était loin d’être un imbécile. Sinon, il n’aurait pas pu vivre aussi longtemps. L’humain reporta son regard sur le mort et joignit les mains. Il ferma un instant les yeux et ses lèvres bougèrent sans bruit. Puis il arrêta au bout de quelques secondes et regarda Quimn dans ces feux qui caractérisaient ses yeux :

« J’imagine bien que votre proposition n’était que pour rompre le silence… Si vous pouviez faire quelque chose pour moi ! Quoique… Je n’aimerai vraiment pas vous le demander. Je vais aller au cimetière moi-même. L’enterrer moi-même.»

Amadäus se figea et fixa Quimn d’un regard inquisiteur.

« Je vais plutôt le brûler. Tant pis pour la terre sainte mais je suis sur que vous seriez capable de faire appel à votre malade que m’aviez promis pour aller abuser de son cadavre… Maintenant si vous me permettez… »

Amadäus se mit à genoux et passa ses bras sous le corps à ses pieds. Et tout en le soulevant ajouta avec une voix que trahissait l’effort qu’il fournissait :

« Même si vous me permettez pas, ce sera la même chose ! »

Il commença à caler le corps sur son épaule. Il regarda Quimn, plein de fougue, le mettant en garde de l’empêcher de s’occuper de ce mort. Un mort qu’il aurait bien voulu connaître.

Amadaus réagit comme d'habitude. Insultant Alarin, fantasmant sur la mort d'Alarin a haute voix et faisant preuve d'un dévouement ridicule envers ceux de sa race, même morts. Après avoir rétorquer a l'aristocrate, il prit le corps sur son épaule, qui lui pesait lourd, et déclara qu'il allait le bruler.

"En effet, petit. Ce serait une mauvaise idée de me demander cela. Je n'ai aucune considération pour ce morceaux de viande que Tu pense honorer en le mettant dans la terre ou le brulant. Quoique cette seconde possibilité empêchera cette charogne d'empester dans toute la ruelle."

L'humain, le vivant, lui lança un regard qui ne fit pas peur au démon. Au contraire, il le prit comme une invitation au jeu. Un jeu qu'il allait jouer avec plaisir. Ensuite, l'esclave voulait s'en aller. Pas si vite! La soirée ne faisait que commencer et Al' avait une envie folle de s'amuser. S'amuser aux frais de quelqu'un, bien entendu. Et puisqu'Amadaus était déjà la... La main blanche s'empara du cadavre, l'arrachant a l'emprise de son croque-mort patriote et le lança vers le fond de la ruelle. Le tas de chair sanglant glissa sur quelques mètres au sol, avant d'aller se cogner contre le mur qui faisait de ce chemin un cul-de-sac.

Un sourire des plus malicieux apparut sur le visage pale, orne de deux yeux rouges. Il venait de profaner quelque chose qui était cher a son interlocuteur. Et il s'en réjouissait. Rien que pour le malin plaisir de faire souffrir quelqu'un. Mais pas n'importe qui! Il avait en face de lui, Dagda, le créateur et le meneur de ce groupe d'esclaves rebelles. Heureusement que les services de renseignements, particulièrement Venetian, faisaient leur boulot. On savait plusieurs choses a leur sujet, même si on ne pouvait que deviner sur une bonne partie. Et Jun qui voulait jouer avec eux... On ne pouvait donc pas mettre un terme a la vie d'Amadaus, aussi facilement que certains l'auraient voulu.

Al' se téléporta de manière a barrer le chemin a l'homme qui pourrait peut-être vouloir s'en aller. Son sourire ne le quittait pas, alors qu'il prit la parole d'une voix qui trahissait son amusement.

"Eh bien... Tu voulais me quitter si vite! La soiree ne fait que commencer. Et ton "ami" ne s'en ira pas d'ici, je peux te l'assurer. Tu pourras venir récupérer ce qu'il en reste quand on aura fini de parler tous les deux... D'ailleurs... Il faudrait trouver un lieu plus adéquat pour cela... Plus... intime."

Alarin se lécha les lèvres, avançant lentement vers Amadaus... Il avait déjà une idée de lieu et surtout de ce qu'il allait y faire avec le chiot de Priam.

De la considération pour ce morceau de viande ? Amadäus pila net et se retourna. D’une voix glaciale, il répondit :

« Non, monsieur. Pas de la considération. Du respect. Du respect pour lui et son âme. Et si vous n’aimez pas ça songez aux considérations strictement sanitaires. En plus, une épidémie de peste ne serait pas bon pour vos affaires. Personne ne paie la peste. C’est bien autre chose qu’une simple question de bien être pour votre sens olfactif… »

A ces mots et au regard, il fit à nouveau demi-tour et commença à marcher vers un ailleurs plus certain que cette ruelle. Il sentit le corps qui tombait. Il voulu raffermir sa prise lorsqu’il se rendit compte que le cadavre s’envolait. Il se retourna pour le voir volet et s’écraser contre un mur. Cela avait été trop rapide pour qu’il puisse faire quoi que ce soit. Il baissa légèrement la tête comme un taureau qui se met à charger. Ses dents crissèrent les unes contre les autres. Il regarda le démon avec un air assassin. Celui-ci disparut de ses yeux. Il sursauta et plongea en avant. Le souvenir de l’image qu’il avait vu quelques minutes auparavant, Quimn transperçant le cœur de sa victime par derrière l’avait marqué plus profondément et plus rapidement qu’il ne l’aurait cru. Lorsqu’il se releva, il fit face à Quimn. Il le dévisagea mais se trompa. Alors qu’il croyait qu’il se moquait de lui pour ce réflexe qu’il savait bien inutile, l’autre le détrompa. Et ses paroles le firent déglutir. Là, du coup, oui, il avait vraiment envie de le quitter et plus vite que ça. Mais il avait compris depuis bien longtemps que c’était là inutile. La rapidité n’aurait aucune raison sur Zith Quimn, de toute manière bien plus rapide que n’importe qui et n’importe quoi.

Le démon avançait d’ailleurs vers lui. Résistant à son envie première de reculer, Amadäus ne bougea pas. Sauf les lèvres :

« La soirée se termine ici, Quimn. La nuit tombe vite en ce moment et je dois rentrer chez… à la maison. Pour la causette, je vous conseille de venir voir Prïam à l’heure du thé. Pour vous qui ne buvez que de l’eau, ça devrait convenir. »

L’autre avançait toujours. Il sentit son genou se plier pour amorcer un mouvement de recul. Il se retint et se campa juste plus solidement sur ses deux jambes. Les gardant tout de même un peu pliées, par réflexe et par habitude.

« Pour vos machins intime par contre, je vous donne un autre conseil. De fréquenter les établissements de la Prïam. Il y a des démons qui vous satisferont sans aucun problème. Je suis même sur que vous réussirez à avoir une réduction. Puisque c’est la radinerie qui doit certainement vous inciter à aller voir les esclaves des autres. »

Il planta son regard dans celui de Quimn, levant forcément les yeux puisque l’autre faisait une bonne tête et demie supplémentaire.

« Puisque je vous ai donné des solutions alternatives, auriez-vous l’obligeance de vous pousser ? J’ai un assassiné à m’occuper. »

Une amélioration de la politesse attira l'attention d'Amadaus. Cette fois, il cherchait a éviter les problèmes, l'appelant "monsieur". Fort amusant, vu comment il pouvait se montrer insultant. Sa remarque au sujet de l'épidémie n'était pas dépourvue de sens, c'était en effet la façon de penser d'Alarin. Mais les maladies touchant les immortels sont rares. Et puis, une autre raison de ne pas s'en soucier lui vint a l'idée, lorsqu'il remarqua un rat qui commença a renifler le cadavre, sans doute attire par de la chair encore fraiche.

"Je me moque de la peste. Une fois de plus, cela toucherait principalement des humains. Même si personne ne paie la peste, je
suis a même d'en tirer des profits. Une catastrophe amène souvent une autre. Toute crise naturelle entraine des violences, liées a la volonté de survivre dans un monde ne pouvant plus satisfaire tout le monde. Et la, vois-Tu, j'ai de quoi m'occuper. Toute personne ayant besoin d'armes viendra, d'une façon ou d'une autre, a moi."

La logique du démon était sans doute cruelle et calculatrice, mais il y avait du vrai. Il rappelait par la même occasion que personne ne pouvait se battre sans son soutien. Que les esclaves n'ont aucune chance sans l'équipement, dont lui seul dispose. Sans dire qu'il sait quelque chose a propos des plans d'Amadaus, il tentait de rabaisser le moral de ce dernier. Au moins un peu l'énerver...

Lorsqu'il se téléporta dans le dos de l'humain, il sourit de le voir bondir ainsi, comme un lièvre effrayé. Faisait-il donc peur a ce point-la? Tant mieux. On allait réfléchir a deux fois avant de lui jouer un tour, même s'il se rendait compte qu'il pourrait finir sur la liste des libres a éliminer. S'il n'y figurait pas déjà... Peu importe. Ce n'est a un vieux singe qu'il vont apprendre a faire des grimaces. Les proposition de l'esclave firent rire l'aristocrate qui tapota l'épaule de son interlocuteur de sa main libre.

"Que voila des belles propositions. Mais, pour la deuxième fois déjà, Tu as oublie de tenir compte du facteur le plus important dans l'histoire: mon envie. Et mon envie est de jouer avec Toi. Avec les... serviteurs de Mademoiselle Priam, c'est trop facile. Mais ne crains rien... Nous ne le ferons pas ici. Ce lieu n'est point adéquat..."

Pour appuyer ce qu'il venait de dire, Al' employa son pouvoir. Tenant Amadaus par l'épaule, il se transporta dans l'une de chambres d'une établissement louche, sans doute sous le contrôle absolu de Jun, se faisant tout de même fournir certaines choses chez Alarin. Il s'agissait d'un autre lieu, mis a la disposition du démon par sa collègue, pour qu'il puisse y mener une partie de ses affaires douteuses. Ce soir, il n'y avait personne dans cette pièce munie d'un lit double et d'une table, ainsi que de quelques chaises.

Le voyage, bien que bref, dut être un choc important pour l'humain, dont le corps plus fragile pouvait ne pas avoir l'habitude de ce genre de déplacements. Alarin profita de cette béatitude pour enlever le collier de l'humain, n'ayant aucun mal a l'enlever, maintenant qu'il savait ce qu'il fallait faire. L'attache céda rapidement, sous le contact des doigts démoniaques qui posèrent l'objet sur la table.

Inutile de dire que la porte de ce lieu était toujours fermée, vu que son occupant n'entrait par la que rarement.

De l'extérieur des cris, des rires,d es chants, la musique. C'était bien une boite de nuit, un endroit de plaisir, de débauche, d'amusement. Personne n'allait entendre quoi que ce soit...

La main qui se divertissait sur l’épaule de l’humain fut suivie d’un regard assassin. Amadäus fit un pas de côté. Cela ne suffit cependant pas pour échapper à la dernière et se faire téléporter. Le ‘voyage’ fut horriblement long et étonnamment court pour l'esclave. Bien qu’instantané, les sensations qu’il ressentit lui furent si horribles que cela rallongea la durée du trajet. Sentir ses chairs se disloquer, de plus en plus, puis les molécules s’étirer, devenir atomes, se transporter à travers les trames de la matière et de l’espace, dépassant les photons, dansant avec eux avant de se reconstituer morceau par morceau était à la fois extrêmement dérangeant et douloureux. Pis encore que lors du départ, l’arrivée était insupportable. Amadäus sentit son échine dorsale l’irradier le long du dos, ses muscles le tirer de partout, brûlants par l’effort comme s’il avait couru un marathon à la vitesse d’un sprint, Et ce qui mit un point final fut son estomac qu’il fut certain d’être remonté à l’envers.

La main qui tenait son épaule sembla disparaître. Ou plutôt, il s’en échappa, tombant à quatre pattes, tremblant de tous ses membres et vomissant ses tripes. Il sentit une main dans son cou, qu’il prit comme un réconfort bien qu’il savait que cela n’en était pas un. Mais il y avait des moments où se mentir à soi-même était nécessaire. Après quelques instants, l’estomac de l’humain se calma et sa respiration se fit peu à peu plus calme bien qu’aussi profonde. Il sentait les sucs lui piquer la trachée et le nez. Chancelant, il essaya de se redresser avant de s’asseoir par terre le dos contre le lit, attendant un instant que ses jambes reprennent de l’assurance. Il passa un poignet sur ses yeux pour en chasser les dernières larmes d’effort et de douleur qui y avaient perlées. Il cru avoir un début de migraine avant que la douleur ne s’estompe aussi rapidement qu’elle était apparue.

« Et maintenant ? »

L’esclave commençait définitivement à se reprendre. Sa respiration se faisait normale, il ne tremblait plus mais ressentait déjà une certaine fatigue. Sans compter qu'il savait déjà qu'il allait passer un sale quart d'heure, si par bonheur cela durait un quart d'heure...

Bien qu'une éclaboussure du vomi ait atteint ses chaussures, Alarin éclata d'un rire plutôt amuse et particulièrement moqueur, voyant la réaction d'Amadaus au voyage. Cependant, cette saleté n'allait pas lui gâcher sa soirée. Ainsi, il ouvrit la porte et appela un esclave. La musique d'en-bas se fit entendre plus clairement. Un humain, soumis et jetant des regards craintifs au trafiquant vint nettoyer ce qui ornait le milieu du plancher de la pièce. Alarin lui indiqua aussi ses chaussures noires qui furent rapidement, et consciencieusement nettoyées. Lorsque le libre lui dit de sortir, il le fit avec soulagement et lança un regard qui semblait dire "adieu" a l'autre humain.

"Je vois que ton corps ne tientpas tres bien ce genre de plaisirs. Que dire, les humains sont trop faibles pour avoir autant de privilege que nous..."

Le démon s'approcha de l'humain et le souleva par les épaules...

"Tu es bien mignon, Toi... Dommage que ton caractère ne soit pas aussi doux que ta peau... Tout comme cet imbécile dans la ruelle... Comment peut-on croire qu'un humain puisse en venir a bout d'un être supérieur? C'est stupide, non?"

Il le dit comme une insulte, une moquerie. Jamais le ton de sa voix ne pourrait laisser supposer qu'il sache quelque chose. Un de ces quatre, il allait se manifester en tant que celui-qui-sait. Mais pas tout de suite. Tant qu'on peut, on joue avec l'esclave. Ainsi, le duel verbal put reprendre de plus belle...

"C'était très gentil de ta part de vouloir l'enterrer. Mais je suis sur que quelqu'un s'occupera du... nettoyage. Un cadavre, surtout encore chaud peut servir a bien des gens... Certains vous préfèrent morts."

Cruelle allusion a Venetian... Alarin déposa Amadaus sur le lit et s'installa au bord de celui-ci. Il ne comptait pas le deshabiller tout de suite. Ses yeux rouges ne quittaient pas son prisonnier.

Son ‘et maintenant’ avait certainement dû être noyé dans la musique qui provenait de la porte ouverte. Il vit l’esclave s’approcher craintivement et obéir sans broncher. Amadäus le regardait avec mépris. Avait-il oublié toute dignité ? Alors que le serviteur partait en lui jetant un coup d’œil d’adieu, il ne put s’empêcher de laisser exprimer toute sa condescendance à son égard :

« Lâche ! »

Un seul mot, un seul regard altier mais peut-être cela aurait été le bon surtout s’il nourrissait déjà de vague sentiments de culpabilité. La phrase que le démon prononça derrière son dos le fit acquiescer.

« Trop faibles, oui. Votre immortalité à un avantage : elle ne vous fait pas connaître la peur du temps qui passe. Mais », annonça t-il en se retournant vers le démon et en le regardant d’un sourire malsain, « il vous accorde également son lot de défauts. Mais bon, comme l’a si bien dit un de mes ancêtres ‘Gnôthi Seauton’*, n’est-ce pas ? Je n’ai donc pas besoin de vous révéler lesquels. Vous avez dû avoir le temps pour vous en rendre compte… »

Cela avait terminé sur une voix et un regard ironique, toujours aussi fier, sous entendant que le manque de qualités physique entraînait également des compétences mentales que ne possédaient pas les non humains. Si toi avoir muscles, moi posséder cerveau. Amadäus savait que ce n’était pas franchement vrai mais bon. La guerre était tout aussi bien psychologique… Amadäus avait gardé les yeux fixés sur le démon. Il le vit ainsi s’approcher mais ne s’attendait pas à ce qu’il l’attrape ainsi, l’humiliant un peu plus. Etre soulevé ainsi lui donnait l’impression que de n’être qu’un vulgaire morceau de viande. Il se débattit un peu mais le démon continua, insultant le mort et essayant de lui faire croire par la même occasion qu’il ne pourrait jamais le tuer. Amadäus cessa de bouger et prononça dans un souffle :

« En effet, c’est tout à fait stupide. »

Les paroles conformistes se trahissaient par le ton sur lequel ils les avaient lancés. Une voix acide aux intonations assassines. Sans compter le regard brûlant de haine et de rage avec lesquels il l’avait regardé. Provenant ainsi de la bouche de Dagda, sa phrase sous entendait plutôt le contraire. Le chiot avait repris son mordant animal, cette rage incandescente et passionnée. Mais la dernière phrase que l’aristocrafiquant prononça le mit hors de lui, le faisant perdre le peu de calme qu’il lui restait. De toute évidence, son état lord de l’arrivée dans la pièce était loin derrière lui. Quimn le lâcha sur le lit et s’assit dessus. L’humain n’attendit même pas la suite pour se jeter dans sa direction, les poings fermés, en lui lançant un ‘connard !’ bien senti.

Surprendre le démon devenait difficile avec une arme. Le temps qui s'écoula entre le début des hostilités et la téléportation sembla être une éternité a Alarin. Il se retrouva sans mal dans le dos de l'humain et le poussa légèrement avec le bout de sa canne. L'homme, en déséquilibre et dans la précipitation, tomba du lit aux pieds de l'aristocrate. Celui-ci s'installa plus confortablement et posa un pied sur le dos d'Amadaus. Sans lui faire mal, il le maintenait au sol. Il posa sa canne a cote de lui, sur le coussin, et reprit la parole.

"En effet, ton congénère est un lâche. Ou alors, est-il tout simplement assez malin pour survivre sans souffrir? Hihihi...En tout cas, je pense qu'il faut t'éclairer sur certains points. Tout d'abord, Tu n'es pas de taille contre moi. Même avec la pire machine de guerre, Tu ne m'arriveras pas a la cheville, petit. Sans parler de tes poings.
Ensuite, comme je disais, certains vous préfèrent morts. Ce n'est pas mon cas. En tout cas, pas dans l'immédiat. Avant de mourir, Tu vivras, pour voir les autres mourir. C'est mieux..."

Alarin parlait tranquillement, sans trop se préoccuper du confort de son interlocuteur. Tant que celui-ci restait sous ses semelles, tout allait bien, il pouvait parler. Le trafiquant se pencha et posa une main douce, blanche et froide sur le signe des rebelles. Il le caressa pendant un moment, sourit et continua a parler.

"Vois-Tu, il y a une chose que Tu dois savoir. Une chose que les humains ont oublie. Une chose que la plupart des immortels n'a jamais connue. Moi-même, je n'en ai eu conscience que grâce a mon éducation, jamais par expérience. Rares sont ceux qui s'en souviennent encore. Lorsque Tu parlais des mérites des humains, Tu avait bien raison. Tu ne peux mettre en question la magie. Ce que j'ai fait a ton épaule prouve son existence de manière... inoubliable, non? Eh bien, il fut un temps, ou les humains maitrisaient cette force mieux que quiconque. Ils pouvaient accomplir les miracles des légendes. Ils allèrent jusqu'à créer un dieu.
Il existe un concept du surnaturel qui dit que la volonté modifie la réalité. De la, découle l'existence des "récipients" pour la volonté, l'énergie. Un humain ne peut pas en créer un grand. Mais lorsqu'un peuple s'y met, par une foi de fanatique, des divinités naissent comme des champignon après la pluie. Et avec elles, naissent les démons et les anges... Oui, Amadaus. Je prétends, et ça peut être prouve, que c'est VOUS qui nous avez crées. Inconscients de l'ampleur de votre pouvoir, vous vous êtes forges une mythologie qui finit par l'emporter sur vous. Depuis, vous êtes moins nombreux, moins croyants... Et notre foi en l'inexistence d'un être suprême est telle, que votre Dieu ne peut rien face a nous.
L'ironie du sort... Esclave."

Aussi vrai qu'Alarin parla sur un ton plutôt "scientifique", il ne put s'empêcher de conclure avec mépris pour la race humaine.

Le poing lancé dans sa direction, le démon disparût soudainement de ses yeux. Il sentit quelque chose le pousser dans le dos et avec son élan, il se vit plongeant vers le sol.

« Et merde ! »

Mots peu distingués mais exprimant parfaitement sa pensée. Il s’étala comme une crêpe dans la poêle et n’eut pas le temps de se relever qu’un pied ferme le maintenait déjà sur le sol fraîchement nettoyé et encore un peu humide et malodorant. Tout en essayant, tout au moins au début de se dégager, il ne pouvait s’empêcher de rétorquer aux paroles de l’aristocrate.

« Vivre sans souffrir ? Tu peux me dire comment il vit là ? Arrête de raconter des conneries !! »

Il tutoyait rarement mais là, c’avait été le cas et ce n’était pas sans signification. Il avait ensuite dédaigné répondre. Réfléchissant en silence sur les paroles. En silence ou en murmure concernant les armes :

« Avec la pire, je serais pas étonné. Avec la meilleure par contre… »

Mais ce qui le fit davantage réfléchir, ce fut sa dernière remarque sur lui vivant pour voir les autres mourir. Il cessa d’essayer de se débattre à cet instant. Son regard avait perdu sa flamme pour se tourner du côté des souvenirs. Regarder les autres mourir. Depuis qu’il avait été épargné n’était-ce pas ce qu’il faisait ? Contempler la mort des autres. A commencer par ses compagnons durant la guerre, compagnons d’infortune, amis qui lui avait réchauffé le cœur et l’avaient brisé par leurs morts. Ils y pensaient souvent, c’étaient eux qui lui avaient donné sa fierté d’être humain, cet amour fou de la liberté et cette haine des non humains qu’il refusait toujours d’appeler immortel vu le nombre qu’il avait tué, contredisant ainsi les dires de Quimn.

Ce fut au milieu de ces souvenirs qu’il sentit une main sur cette blessure au fer rouge, si rare désormais parmi les humains. Un frisson de haine à ce touché le parcouru. Il écouta ensuite des plus attentivement les paroles de son interlocuteur. Le ton sérieux, inhabituel le fit sentir qu’il pouvait y avoir quelque chose d’intéressant et tenir tranquille. A la fin, il ne regretta pas. Il s’amusa à répéter les derniers mots avec le même ton :

« Ironie du sort, esclave ! »

Un rire le secoua et il releva la tête fièrement vers le démon, essayant de lutter un peu avec le pied, relevant même un peu le torse.

« C’est une bien jolie histoire, Quimn. Je vous remercie de me l’avoir raconté, qu’elle soit vraie ou non, d’ailleurs, elle sera utile et instructive à tous points de vues. Etait-elle destinée à me rendre triste ? A me faire plonger le moral dans le même puit que celui où a disparu votre morale ? Dans tous les cas, cela a échoué. Je suis d’autant plus sur désormais que rien n’est éternel et encore moins vous autres non humains ! »

Cette dernière dénomination avait été lancée avec hargne et fierté, comme une insulte. A ses yeux même leur définition était une injure. C’était d’ailleurs ainsi qu’il les considérait. Il reprit :

« Il est une théorie qui annonce que tout se transforme. Notre savoir ni notre foi n’est pas perdue, elle ressurgira un jour ou l’autre. Qui sait ? Peut-être même par mon intermédiaire ? Maintenant que j’ai une si belle histoire à raconter. Si nous vous avons créé, nous avons tout autant le pouvoir de vous détruire. Et ce… Même sans cette magie. Ironie du sort, disiez-vous ? Mais de quel sortilège parliez-vous donc ? »

L’esclave ne cessait de relever la tête pour contempler Quimn bien que le pied dans son dos ne lui permettait pas la plus grande latence. A ce point, il se tordit un peu et posa sa main sur la cheville aristocratique pour l’écarter et se relever ; planter son regard dans le sien, brasier contre braises.

Alarin secoua la tête souriant malicieusement. Il savait que faire disparaitre les immortels, il faudrait une puissance plus ancienne que la race des hommes. Une foi inébranlable en une divinité tout-puissante et une supériorité numérique... L'un et l'autre étaient perdus a jamais, selon lui. Maintenant, c'était la foi des anges et des démons contre celles des humains. De plus, une grande part des humains avaient perdu la foi en un avenir meilleur et sont venus s'ajouter au réceptacle de volonté immortel. L'aristocrate fit part de cette pensée a Amadaus, voulant lui prouver qu'il etait trop seul pou faire changer les choses. Mais une idée bien plus habile etait en train de naitre dans la tête du libre. Une idée nécessitant un peu de jeu d'acteur. L'impassibilité du visage blanc et, surtout, des yeux rouges allaient être des allies de taille dans ce petit duel.

Le trafiquant cessa de sourire et devint sérieux. Sa jambe se releva et l'humain fut libre de se lever. Son interlocuteur le fixa dans les yeux et ajouta:

"Trêve de plaisanteries métaphysiques. J'ai une proposition a te faire, Amadaus... Je sais que les esclaves tentent de se rebeller, je sais qu'ils tuent des libres. Et je sais qu'ils ont un leader. Quelqu'un de plus intelligent que Toi, sans doute. Sans doute un immortel... Je suppose que je ne dois pas t'expliquer en quoi cela me déplait. Et je suis prêt a obtenir ta liberté et celles de plusieurs personnes de ton choix en échange d'informations au sujet de ce... Dagda? Je suis sur que quelqu'un comme Toi a du se précipiter pour faire sa connaissance. Dis-moi tout ce que Tu sais et je ne resterais pas ingrat. Tu sais, quelle que soit ta haine, que je respecte les accords que je passe avec qui que ce soit... Je veux juste sa tête..."

Mensonges. Il savait très bien que Dagda etait au sol a ses pieds. Mais faisant preuve de beaucoup d'arrogance, croyant qu'Amadaus ne pouvait être le grand meneur de la résistance, il allait peut-être lui faire croire qu'il a faux. Toujours faire croire a l'adversaire qu'on en sait beaucoup moins qu'en vrai. Et si on parvient a lui faire croire qu'on est sur de savoir, mais qu'on a tort, on peut l'avoir facilement... plus tard. Alarin ne faisait que préparer le terrain pour un combat futur. Il voyait déjà la chute des dominos si tout le monde devrait se battre pour de vrai. Dans l'art de la survie, le démon etait fort... Très fort. Allait-ce être assez?

Amadäus sentit le pied se relever de son dos. Il n'osait imaginer la trace de poussière qui devait maintenant orner le tissu de sa veste. Il n'osait l'imaginer car il était bien plus consterné à cet instant précis par la facilité de la lutte. Il n'aurait pas cru que Quimn le laisserai se relever aussi facilement sans l'avoir même voulu l'humilier un peu. L'humain ne pensait pas trop présumer du sadisme de l'aristocrafiquant. Il y avait autre chose. Le chiot de la Prïam se redressa et fixa son ravisseur, prêt à tout. Pourtant, il n'avait pas été prêt à la révélation qui avait été faite. Bien malgré lui, ses yeux montraient la surprise d'apprendre que la rébellion qu'il avait mise en marche était déjà connue. Mais comment avait-il pu savoir ? Il eut envie de s'y attarder mais se refusa à le faire. Il avait autre chose pour le moment : il fallait répondre à Quimn. Mais que dire ? Il se mit à bégayer un peu :

"Dagda ? Je... Et bien..."

Son instinct et son intelligence combinées lui disaient maintenant ce qu'il devait dire, ce qu'il devait faire. Et il devait commencer par ne pas contrecarrer son attitude première : la surprise. Il avait été surpris et l'avait laissé voir. Il fallait continuer dans cette voie. Expliquer pourquoi il avait été si surpris lui, qui n'avait officiellement aucune raison d'être étonné.

"Vous voulez sa tête ? Je... Enfin... Je ne sais pas trop comment dire, enfin, plutôt si je dois mais..."

Amadäus avait reculé et se trouvait maintenant plaqué contre le mur. Il sursauta à son contact, fit un pas dans l'autre sens, pour regarder le mur. Il agissait comme une bête traquée, en proie à la terreur. Une peur qui se voyait dans ses yeux. Cela n'était pas trop difficile à faire : la révélation de Quimn lui fichait la trouille. Combien en savait-il ? Trop déjà. Il n'aurait rien dû savoir, il avouait en savoir un peu, autant prendre en compte qu'il savait tout. Et comment avait-il pu être au courant ? Il avait encore foi dans les autres membres du réseau : celui ci était trop jeune pour qu'on prit des rebelles indignes de confiance. Il n'y avait pas de traître. Non mais il y avait pour le moment ce mur au papier peint défraichi, rongé par la moisissure et l'humidité, et le démon. Amadäus se retourna précipitamment vers lui, passa une main sur sa bouche puis dans ses cheveux avant de soupirer et de repreprendre une voix un peu plus assurée.

"Vous... Vous avez dit que vous étiez prêt à obtenir ma liberté ? Et ma protection ? Parce que... Parce que, enfin... Haaa, putain ! Je savais que ça reviendrait me voler dans les plumes ! Et qu'est ce que j'en pouvais moi ! Comme si j'avais eu le choix ! Comme si j'avais pu refuser ! Bon."

Amadäus abaissa les paupières et sembla se résigner, comme s'il venait par ce dernier mot de conclure un débat intérieur. Son corps se calma un peu et pourtant lorsqu'il rouvrit les yeux vers Quimn, ces derniers semblaient remplis de craintes.

"Okay, je vais... Je vais vous raconter mais... S'il vous plait... Attendez d'avoir entendu la fin, d'accord ? Je... Je suis Dagda."

Il avait détourné le regard en avouant ses mots mais se souvenant du désir de vengeance du démon, il se redressa contre le mur, tendant ses paumes ouvertes devant lui :

"Attendez ! Je... Je suis Dagda mais... Mais le leader n'est pas moi ! C'est... Oh putain ! Ca va vous paraître incroyable dit comme ça mais... Pourtant... Enfin bref, vous aviez raison. Il y a un immortel derrière tout ça. Ou plutôt une immortel si vous voyez ce que je veux dire... Enfin, non, vous devez pas voir, c'est idiot ce que je dis là. Disons que... Rhaaa ! Voilà ! Peu après que je sois entré au service de Priäm, elle m'a fait un marché : soit je prenais ce rôle de Dagda soit elle annihilait ma volonté. Je n'ai pas eu le choix... Elle m'a dit que j'étais un jouet pour elle, qu'elle voulait s'amuser..."

Sa voix mourrut. Le visage de l'humain trahissait bien sa peur et son embarras. Officiellement car il craignait les représailles de Jun, officieusement, c'était plutôt celles du démon devant lui. Il savait que l'histoire était plausible, que sa maîtresse avait un goût sadique pour la manipulation, qu'elle fut le fait de son pouvoir ou de ses machinations. Mais il avait avoué gros et il ignorait si le bluff allait fonctionner. Mais s'il fonctionnait, et avec un peu de chance...
_________________

Surprise totale, Alarin avait vu juste, son rival n'avait pas la moindre idée de l'étendue de ses connaissances. Parfait. En bon sadique, le démon attendait, il écoutait, avec un visage d'inquisiteur. La victime allait finir par avouer, tout dire et reconnaitre même les crimes dont elle n'avait même pas rêvé. C'est ce qui arriva. Amadaus fut contraint d'inventer une histoire certes plausible, mais impensable a la fois. L'aristocrate savait bien ce qui s'était réellement passe. Il connaissait aussi très bien l'immortelle qui l'aidait. Car si l'humain avait menti sur toute la ligne, deux choses demeuraient vraies: il etait bien Dagda et c'était une femme immortelle qui l'aidait. Deux esclaves, l'humain et la bâtarde, le duo parfait pour ce genre de causes sans avenir. Il n'y aura pas de martyrs, il n'y aura pas de souvenir. Alarin allait bien prendre soin pour que ces deux-la crèvent comme des chiens, ou finissent par s'agenouiller.

Le trafiquant ne parlait pas jusqu'à la fin, assis sur le lit, les jambes croisées, bouts des doigts unis devant la bouche. Il hochait la tête de temps en temps et faisait preuve d'un peu de surprise, bien qu'il semblait s'attendre a un récit de ce genre. Lorsque le leader rebelle eut fini de parler et se mit a attendre une réaction, la peur dans les yeux, Alarin se leva doucement et s'approcha de lui. Il s'approcha lentement, très lentement. Ces yeux rouges ne reflétaient rien, mais son sourire en disait long. C'était un sourire carnassier, un sourire vorace. Quelqu'un allait devoir se déshabiller d'ici peu de temps. Fort probablement. Mais avant, il y avait plus important...

Penchant la tête pour pouvoir lui parler, l'aristocrate mit ses mains dans le dos. Son visage etait a une dizaine de centimètres de celui de l'humain, sans parler du reste du corps qui frôlait son interlocuteur. Alarin rêvait déjà de la peau douce et du corps mignon, bien que fragile, de cet homme si insolent et audacieux. Et il souriait. Le ton de sa voix montrait qu'il etait bien désolé d'apprendre tout cela.

"Bieeen... Bien. Je vois... *soupir* Je me disais bien que Jun ne pouvait rester honnête avec qui que ce soit. Dommage pour elle, bien sur elle devra payer pour sa trahison envers le monde des immortels. Je la croyait espiègle, mais pas stupide. Tant pis. Je crains que les Sept familles ne soient débordées pour faire le ménage. Ainsi, je le ferais moi-même."

S'approchant encore un peu, plaquant Amadaus contre le mur, sans appuyer fort avec son corps de démon, il parla d'une voix douce. N'est-ce pas la voix qu'utilisèrent ses ancêtres primitifs pour persuader les hommes de leur vendre leurs âmes? Surement. Il continua donc a parler...

"Grâce a Toi, le conflit prendra fin... Je te suis reconnaissant... très reconnaissant, Amadaus. Bien sur, je vais honorer ma promesse et te rendre ta liberté, des que ta maitresse sera mise hors d'état de nuire. Mais avant, quel autre esclave voudrais-Tu voir libre? Je t'ai promis un... ou une camarade. A Toi de voir. Je suis dispose a ajouter une prime plus... matérielle, afin de ne pas vous forcer a retomber dans la servitude...

Te poses-Tu la question pourquoi autant de générosité, alors que j'étais prêt a te tuer, il y a dix minutes? Ou est le piège?"

En effet, cela pouvait paraitre louche. Mais le démon joua la carte de l'obsédé argent-sexe. Certes, il promettait des choses impossibles, il n'avait ni l'envie, ni l'intérêt, peut-être même pas la force nécessaire pour affronter Jun. Cependant, il etait d'autan plus important de faire passer tout ça pour la vérité. Chacun mentait de son cote. Mais qui des deux s'en rendait compte a cent pour cent? Il continua a parler, appuyant sa main droite au mur, a cote de l'oreille d'Amadaus, alors que sa main venait caresser la joue de ce dernier. Il se passa la langue sur les lèvres. Pour ce qui etait des plaisirs charnels, il ne fallait pas vraiment faire semblant. Juste laisser aller les envies maitrisées.

"Je ne veux pas te duper... Au contraire. Tu me sors d'un problème grave. Jun quittera bientôt ce monde, a cause de sa maladie, sinon de ma volonté. Avant, elle veut semer la pagaille, qu'on se souvienne d'elle. On se souviendra a tous les coups, mais comme d'une vaincue. Je ne veux pas le désordre, cela perturbe mes affaires. Jouer aux résistants, c'est dangereux. Je préfère la guerre ouverte. Et encore plus, j'aime l'Ordre et le calme. L'Ordre qu'elle perturbe. Tu sauves mes affaires, la moindre des choses est de partager le bénéfice avec Toi.

Et puis... Tu es quand même a croquer... On en mangerait..."

La dernière phrase fut murmurée a l'oreille de l'esclave, avec une voix qui prouvait qu'Alarin etait bien prêt a mettre cela en exécution des maintenant. Mais ses envies étaient différentes... Plus... durables et plus perverses...

Bizarre. La voix était sincère, le visage était sincère mais l’attitude ne l’était pas. Elle ne correspondait pas à ce qu’il disait. Quelqu’un de désappointé ne se tient pas droit en fixant un esclave et déclamant ses projets. Et Amadäus croyait sincèrement que Quimn ne faisait pas partie de cette sorte de personnes. Il n’avait sûrement pas pour habitude de raconter tout cela sur ce ton à un esclave. Il avait l’impression que l’affaire était surjouée. Il était tellement occupé à ces pensées, qu’il oublia de noter le prénom de sa maîtresse : Jun.

L’humain n’avait pas esquissé le moindre mouvement alors que l’aristocrate s’approchait de lui. Fierté oblige. Mais il fut contraint a se retrouver plaqué contre le mur si peu reluisant de cette pièce lugubre. En une pensée fugace, Amadäus remarqua que cet endroit correspondait mieux à l’état d’esprit et de dépravation du démon que l’hôtel luxueux où il l’avait rencontré pour la première fois. L’autre continua sa tirade exprimant cette fois une reconnaissance à laquelle Amadäus ne croyait guère, pour ne pas dire aucunement. Et vint la fameuse proposition : lui rendre sa liberté. Là non plus l’humain n’y croyait pas. Pour des raisons politiques, tout simplement. S’ils libéraient un humain, cela signifiait que cette espèce valait plus que ce à quoi elle était réduite et, d’une manière plus pratique, cela pourrait donner un nouvel espoir aux autres esclaves. N’importe qui un tant soit peu informé et averti des questions politiques aurait pu le dire.

Mais le démon ne lui laissa pas le temps de désigner un bénéficiaire, accusant un peu plus la félonie dont il faisait oeuvre. Lui-même posa la question du piège. Il avait dû sentir sa méfiance ou plus simplement la voir sur le visage de l’esclave. La réponse à la question rhétorique vint par l’entremise d’une main trop baladeuse déjà. Amadäus patienta jusqu’aux considérations culinaires. Là, son visage se ferma totalement, ses yeux reflétèrent une haine certaine, sa main écarta sans ménagement celle de l’aristocrate et il fit quelques pas de côtés en s’exclamant :

« Bientôt ? Elle mourra bientôt ? C’est quoi bientôt pour un immortel ? Deux trois siècles ? Bin voyons ! Pratique pour tenir ses promesses ! Et puis, vous ne m’avez pas laissé le temps d’annoncer qui d’autre je voulais en liberté ! Vous comptez les tenir vraiment vos promesses ou quoi ?! Parce que c’est bine beau tout ça : arriver comme un cheveu sur la soupe, décréter de belles et grandes choses mais quelles garanties j’ai, moi ? D’être libre et de le rester, sans subir aucun procès ou aucun retour de bâton ?»

Il reprit un instant son souffle, laissant un silence étrange après cette explosion de paroles.

« Karl Heinreich. C’est le nom de celui que je veux que vous libériez avec une protection pour lui et moi. Et puis, comme vous avez accepté de partager les bénéfices de votre entreprise avec moi, je me contenterai d’un modique 20 %. »

Amadäus se savait lui-même doté d’un certain culot mais jamais il n’aurait penser le mettre dans cette situation. Pour l’argent tout d’abord, quoique le ton de sa voix indiquait qu’il s’agissait d’une plaisanterie à moitié sérieuse, mais ensuite pour le nom de la personne. Karl n’était qu’une connaissance qu’il appréciait moyennement. Mais l’autre en lui-même avait plusieurs avantages : il admirait Amadäus et il était l’esclave personnel de Tess Van Denverck, l’un des membres les plus hauts placés dans l’administration de la ville. Karl ne faisait pas partie de la rébellion bien que le choix d’Amadäus le désigne comme l’un de ses lieutenants. Mais s’il obtenait sa libération, Amadäus pourrait utiliser cette admiration qu’il avait. De plus, le second favori de Van Denverck appartenait lui, à la rébellion. Il serait maintenant dans une meilleure position pour être au courant des mouvements dans la ville.

Amadäus jouait le jeu dans la thèse qu'il avait lancé. Jouer le jeu tout en gagnat des points pour son propore camps et en sachant tout à fait qu'au moindre heurt, il était bon pour la potence à laquelle il avait échappé il y avait près de dix ans. Rude situation pour ses nerfs. Ils se demandaerait pendant combien de temps il en cauchemarderait.

Alarin n'apprécia pas la façon de l'humain de se retirer et de repousser sa main. Son visage exprima son mécontentement un bref instant, pour redevenir froid. Il n'y avait plus de sourire. La voix du démon montrait bien ce qu'il pensait, elle résonna dans la pièce, tranchante comme un couteau de boucher.

"Tu n'en as aucune. Aucune, Amadaus. Ayant appris ce que je voulais, j'aurais du te tuer. Mais je ne l'ai pas fait. N'est-ce pas une preuve de ma bonne volonté? Je tente de ne pas te faire du mal, un effort considérable de ma part, je trouve. Quant a Priam, elle mourra d'ici quelques jours. Je m'arrangerais pour que ce soit le cas, quitte a le faire moi-même..."

Un sourire apparut sur les lèvres de l'aristocrate. Un sourire de fou, un sourire de gentleman-criminel, plein d'assurance et de détermination. Certes, c'était dirige contre Amadaus et non, comme il le faisait croire, contre Jun, mais le sentiment etait identique. L'esclave devait payer, d'une manière ou d'une autre. La façon dont ça allait se passer, n'était pas encore très claire dans la tête pale de l'homme en noir. Mais il s'y dessinait une façon bien drôle de se moquer de l'humain.

Le nom qui lui fut révélé, ne lui dit rien, cependant cela n'était qu'une question de temps. Un nom c'est plus que ce qu'il faut pour les services de renseignement au service du trafiquant. Rien ne pouvait l'arrêter dans sa lutte contre la Rébellion. Celle-ci devait être écrasée a tout jamais. Remettant ses mains dans le dos, Alarin s'approcha de nouveau d'Amadaus, gardant les distances tout de même. Il ne voulait pas le perturber tout de suite. Ce corps pouvait être a lui a chaque instant, c'était une question de force qui etait de son cote.

"Bien... Comme promis. Il sera libre. Je... me renseignerais pour savoir qui est son maitre et il sera libre en même temps que Toi."

Le pourcentage, demande par le leader esclave, représentait une somme assez vertigineuse. Peu importe, il n'allait pas la donner de toute façon. Pour donner du crédit a ce qu'il disait, Alarin négocia le prix, le fixant lui-même, sur un ton qui etait celui d'un marchand. Indiscutable. Ensuite, il a commence a etre malicieux, mauvais... Cruel.

"Dix, mon garçon. Et je t'assure que Tu n'auras jamais a te soucier de gagner de l'argent. Par contre... J'espère que Tu es conscient, que ton ami est le seul que Tu sauveras. Les autres, ceux que je connais pour le moment, mourront... s'ils ne sont pas morts en ce moment. On en découvre des choses, une fois qu'il y a un traitre parmi vous. Surtout lorsqu'on peut les posséder avant... Dans l'intimité d'une chambre d'hôtel. Dommage que cette personne n'a pas voulu dire plus, avant de mourir..."

Il soupira de manière fausse et théâtrale..

Bien sur, les allusions se faisaient par rapport a Melyssandre. Alarin la savait la plus proche d'Amadaus, Venetian pouvait en témoigner. Quelle allait être la réaction du petit humain, lorsqu'il aura appris que sa collaboratrice avait parle a son maitre? Le démon etait certain que le spectacle allait être plaisant... Souriant et hochant la tête, de temps en temps, il attendit.

Amadäus tournait le dos à Quimn. Heureusement, il ne pouvait voir sa grimace de dégoût à l’entente des dires de son ravisseur habituel. Il tentait de ne pas lui faire du mal ? Foutaises ! La tentation était autre et l’humain savait parfaitement et avec dégoût que c’était cette tentation de stupre qui lui valait de ne pas être en train de baigner dans son sang à cet instant là. Il y eut à ce moment ci une autre raison pour laquelle il fut heureux de ne pas être face à Quimn. Cela put cacher un sourire qui lui vint à l'annonce qu'il ferait tuer ou mieux, tuerait la Prïam. En espérant que Quimn mette effectivement ses dires à exécution -ce qui était fort possible : il récupérerait les parts de marché et sa puissance dans l'économie parallèle deviendrait désormais non négligeable face au pouvoir des Sept- bref, si Quimn allait assassiner Prïam, il y avait moyen de faire d'une pierre deux coups. La première était la disparition de sa maîtresse, la deuxième la prise d'un meurtrier en flagrant délit par la police. Et Amadäus savait déjà qui il fallait alerter. C'était l'avantage avec les orgies décadentes de la Prïam chez les Sept : tous les grands de ce monde amenaient leurs esclaves et Amadäus avait fait connaissance avec les plus importants d'entre eux. Qu'ils furent rebelles ou, pour la plupart, fidèles. Bref, l'annonce le remplissait de joie. Si jamais il ne la tenait pas, et bien, tant pis, on resterait dans le statut quo. Rien de bien grave.

Au fur et à mesure de ses réflexions et des paroles qui étaient lancées, le chiot sentit que Quimn bougeait dans la pièce. Immédiatement, il recula d'un pas tout en se retournant pour le voir. Là, le démon annonça que sa liberté serait faite en même temps que celle de Karl. Amadäus fut intérieurement déçu. Il commençait à s'y être pris à ce mensonge qu'il avait donné au début, dans un certains sens parce qu'il était extrémement proche de la vérité. Et de cette manière, il y aurait pu avoir des chances pour qu'il fut effectivement libéré bientôt. Et ce bientôt serait repoussé s'il devait obtenir sa liberté en même temps que l'autre. Amadäus décida de fermer un instant son coeur à cette idée et à se refixer sur l'objectif principal du jour : sauver sa peau. Comme l'avait précisé le démon, il était plus que jamais sur la corde raide, prêt à tomber dans les limbes.

Ce fut à cet instant que l'aristocrate négocia le pourcentage à un prix ferme de dix pour cent. Amadäus essaya de ne pas montrer son étonnement. Il avait pourtant bien raconté cela sur le ton de la plaisanterie. Non seulement il n'y croyait pas ouvertement mais en plus, il ne voulait pas de cet argent bâti sur le décès humain, il ne voulait pas obtenir une quelconque rente d'un non-humain ! De plus, que ce fut vingt ou dix pour cent, au vu des affaires du démon, cela valait une somme qui aurait servi à nourrir aisément tout une ville. L'autre ne le lui donnerait jamais. Autant utiliser cette somme fictive pour jouer. Mais malheureusement, avant qu'il n'eut pu dire un mot, Alarin continua mentionnant des choses qui lui firent froid dans le dos. Un traitre possédé dans une chambre d'hôtel avant de mourir. Ces paroles lui firent plus que froid dans le dos. Il ne put s'empêche de pâlir, il eut l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Le stupre et la luxure. Le démon annonçait qu'il n'allait pas résister aux tentations. D'abord celle de la lubricité puis celle de le tuer. Bon. Il était foutu. Foutu pour foutu, il fallait continuer à jouer. D'ailleurs, il avait gagné dix ans de vie misérable qu'il se demandait maitenant si elles valaient vraiment le coup. Il s'arrêta là et s'empêcha d'avoir ces pensées. Il aurait le temps de songer à ses regrets lorsqu'il agoniserait, pas avant. L'humain hocha la tête et reprit en se détendant extérieurement :

"Dans le sens où la proposition venait d'une libre, je ne vois pas vraiment comment on peut s'accuser de traîtrise. Au contraire, on aurait plutôt bien obéi aux ordres. Contraints de le faire, certes, mais bon."

L'humain laissa passer un silence. Il savait qu'il avait quelque chose à dire mais quoi ? Le démon l'avait interrompu lui fichant cette pétoche qui lui avait fait tout oublier. A quoi pensait-il auparavant ? A un jeu.. Une chose que Quimn ne pouvait pas refuser car ça servait ses intérêts également, qu'était-ce ?

"Ah oui ! Je me souviens ! Si vous me permettez de relancer cette si agréable conversation sur un sujet que vous aviez abordé juste avant. Nous parlions de pourcentage. Vous qui savez tout ou presque, vous avez sûrement entendu parler du T-building, non ? J'ai un contrat pour vous. J'offre une rente de dix pour cent du bénéfice d'une firme que je nommerai pas car dans tous les esprits des cocontractants pour mettre ce building hors d'état de nuire. Cela vous intéresserait-il ou les explosifs que vos usines produisent ne sont pas suffisament de bonne qualité pour faire exploser cette tour ?"

L'attitude de l'humain montrait qu'il avait oublié sa peur, qu'il était tout à fait décontracté et que son zeste d'arrogance et de fierté habituelle (si l'on pouvait parler d'un zeste) revenait au grand galop.

Le sale petit esclave voulait négocier. Tssss... Alarin menait des négociations les plus fructueuses et les plus difficiles, avec les puissants de ce monde, avant que la race humaine n'invente la poudre. Il se contenta de sourire aux paroles, visiblement forcées "pour le jeu" au sujet du pourcentage. Certes, on faisait semblant, mais Alarin n'allait pas faire de promesses invraisemblables. Il rit et plaqua l'humain contre le mur, sans violence, presque en douceur. Ensuite, il se pencha et, utilisant a force pour empêcher Amadaus de bouger et de se dégager. Sa bouche s'approcha à de nombreuses reprises de la peau, agréable au toucher, de son adversaire. Ensuite, il fit glisser sa langue sur le cou de l'homme et lui murmura à l'oreille, d'une voix mielleuse et montrant bien ce qui l'intéresse.

"Tu ne manqueras de rien, ne t'en fais pas. Je prendrais bien soin de Toi. Oui... Cesse de divaguer. Le T-Building n'explosera pas. J'ai mes intérêts partout et là aussi. Je te propose plutôt une distraction plus amusante. Que dirais-Tu de voir si ce lit est confortable? Hum? A deux... On pourrait bien s'amuser. Comme Tu dois t'en douter, je m'amuserais bien quand même, mais autant que Tu jouisse aussi..."

Le démon entreprit de déchirer les vêtements de son prisonnier, sans lui faire du mal. Au contraire, il prenait bien soin de ne pas ne fut-ce que pincer la peau du mortel. Il y mettait même de la sensualité, faisant tout lentement et caressant le corps de l'esclave du bout des doigts. Lorsque celui-ci fut nu, l'aristocrate se déshabilla à son tour et ils se retrouvèrent au lit. Sans doute que cela ne plaisait pas à l'humain, mais l'oppresseur était plus fort et assez malin pour avoir tout le temps une prise facile a refermer sur un bras ou le cou d'Amadaus. Il opérait avec une grande délicatesse, comme toujours avec ses amants. Le caressant partout, Alarin ne se privait de rien. Il embrassait, léchait chaque part du corps de l'esclave qui lui plaisait et il y en avait pas mal, malgré les cicatrices et autres petites imperfections. Le désir de débauche du démon grandissait à toute vitesse...

Alors qu'il se faisait plaquer au mur, Amadâus n'en éprouva pas plus d'émotion que d'habitude. Effectivement, cela devenait une habitude récurrente entre eux deux et le papier peint semblait vouloir aimer son veston. Il voulu commencer à se dégager, une fois de plus mais fut surpris par la poigne nouvelle de son adversaire. L'humain gigota un peu jusqu'à ce que la silhouette oppressante de l'aristocrate se pencha vers lui. Il sentit son souffle chaud sur sa peau, le faisant frissonner. Il n'était plus accoutumé à sentir autre chose que le cuir de son collier. Un autre frisson de dégoût survint à la suite du premier. Il avait l'impression qu'un escargot muni d'une rétrofusée lui passait sur la peau. La bave du démon lui parsemait le cou. Il essaya une nouvelle fois de se dégager mais avec beaucoup plus de vigueur. En vain.

Et cet essai ne fut rien comparé à celui qui suivit la déclaration du non-humain. En effet : ses paroles l'avaient tétanisé. Amadäus ne sentait plus respirer, il avait l'impression d'être hors de lui-même, les yeux exorbité par la terreur et le souvenir. Encore. Cela allait recommencer encore une fois. Cette douleur physique, ces sensations, cette douleur morale, cette douleur, il aurait mal, il aurait honte. Il connaissait déjà le programme, les envies du démon, il savait ce qui se passerait, il savait mais ignorait encore les détails, le déroulement, il savait en ignorant. Dans sa tête défilait des images qu'il n'avait pas vu. Il était trop absorbé pour voir, pour sentir ce que lui faisait le démon. Il bougeait comme une marionnette dont Quimn tenait les fils. Obéissant, terrifié, il se dirigea vers le lit, s'allongea. Il était au-delà de la terreur, de la peur, dans un imaginaire que son cerveau lui faisait repasser en boucle comme tourne un disque cassé.

La main se déplaçait sur sa peau, il en avait plus ou moins conscience mais son corps, lui, réagissait aux caresses, le trahissant sans qu'il ne s'en rende compte. Puis soudain, les paroles d'Alarin retentirent dans son esprit. 'On peut les posséder avant' 'avant de mourir'. Du fin fond de sa moêlle épinière, lui remontant par l'entremise de chacun de ses nerfs, Amadäus tressaillit sous le souvenir. Il semblait être descendu sur terre. Sur cette terre peuplée par des immortels à tuer. Sur cette terre où un démon voulait l'envoyer contre sa volonté au septième ciel. Un démon qui ne le tenait que par le cou.

L'instinct du chiot reprit le dessus. Il attrapa la main et frappa. Il frappa au hasard sans même voir vraiment si ces coups arrivaient. Ses tripes lui disaient juste que comme il gardait la main du trafiquant sur son cou, ce dernier ne pouvait se téléporter pour lui échapper, il l'emmenerait avec lui, il pourrait continuer à le frapper encore et encore, pour l'éternité, devenant lui-même éternel, se vengeant ainsi des immortel. Et pendant que finalement, son pouce et son index appuyèrent sur les yeux rouges du démon, l'humain lâcha une bordée d'injures et de menaces d'autant plus agressives qu'elles étaient exprimées par son envie absolue de vivre malgré tout. Peu importait ce qui venait par la suite. Il se libérerait du démon. Il gagnerait.

Alarin savoura la terreur qui se dégageait d'Amadaus. L'humain craignait le démon non pour ses pouvoirs ou pour la douleur qu'il pouvait infliger, mais bien parce que celui-ci était tout à fait disposé à le violer. Cela fit rire l'aristocrate. Son rire fut froid, mais plein d'un amusement et d'un plaisir malsain. Sans doute pour le rebelle l'Enfer ressemblait à cela, à un viol, et le Diable qui l'accueillerait aux Portes du Désespoir aurait le visage du trafiquant.

Mais quelque chose arriva. Une chose qui surprit le bourreau: la victime voulait se battre. L'esprit d'Amadaus n'était pas paralysé, juste engourdi un peu. Les premiers coups ne lui firent pas vraiment mal, mais les suivants, pleins de rage et de détermination, portèrent des fruits. L'humain vola jusqu'au lit et y atterrit lourdement, alors que son adversaire essuyait lentement un filet de sang qui coula de sa bouche pale du revers de sa main fine et blanche. Il n'arrivait pas à le croire! Cette chose, ce morceau de viande venait de le blesser! Lui! En plus, il s'agissait de son ennemi le plus difficile. Il ne pouvait permettre cela. L'heure n'était plus au jeux, mais à la mort. La mort de l'autre, de l'inférieur. Même après deux milles ans, on ne perd pas certains réflexes. Le démon cracha au sol, comme le dernier des gueux et avança vers son ennemi. Il l'empoigna par les cotes et serra fort en le soulevant. Sa force pouvait amplement briser les os de l'esclave, mais il se limiter à lui faire mal et a bloquer sa respiration.

Ils étaient, nus, au milieu de la pièce, un fou de rage, l'autre immobilisé en l'air. Le premier fixait le second de ses yeux rouges et serrait ses doigts sur le corps fragile d'Amadaus. La voix d'Alarin retentit dans la chambre. Il était certes furieux, mais pas aveuglé.

"C'en est trop, Amadaus. Tu dois mourir..."

Et il le lança contre le mur, comme un jouet en peluche. Le libre respirait bruyamment, se calmant petit à petit. Il s'en voulait d'avoir agit sur un coup de tête, de s'être privé de son plaisir. Mais au moins l'esclave avait eut sa leçon. Il était étalé au pied du mur, dans un coin de la pièce.

*NON!*

Dans LE coin de la pièce. Avec horreur, difficilement maîtrisée, Alarin se rendit compte qu'il venait de projeter son ennemi sur son arme. La canne en ébène, avec son pommeau d'argent luisant, était juste sous la main de l'humain. Tout si figea pour le démon. L'autre allait-il s'en rendre compte? Probablement oui... Peste soit des humains!

Le démon se dégagea. Il ne sut pas très bien comment il avait lâché mais l'autre était désormais libre de sa poigne libre de se téléporter à nouveau. Amadäus venait de perdre son avantage le plus précieux. Il se redressa et vit le démon le regarder avec un visage enragé. Mais l'humain crut lire un peu d'incompréhension et de surprise et l'idée d'avoir pu faire descendre l'aristocrate de son piédestal millénaire lui réchauffait un peu le coeur et ravivait ses convictions. Bien sur qu'il pouvait le vaincre. D'une manière ou d'une autre, il y aurait un moyen de s'en débarrasser. Cela était toujours possible contrairement à ce que son désespoir avait pu lui faire croire quelques instants auparavant.

Il se redressa pendant que le démon cracha au sol. Il l'avait blessé ? Il ne s'en était même pas aperçu mais la nouvelle le fit frémir de plaisir. L'esclave se releva alors qu'il voyait le démon approcher d'un air peu amène. Quelle surprise, tiens. Pourtant, il ne put échapper aux doigts qui vinrent s'abattre sur ses côtes. Il avait sous-estimé la taille du lit pour s'en aller. Il se sentit soulevé dans les airs, incapable de respirer. Un instant l'image d'un corbeau crachant de l'or lui revint en mémoire. Cette vision qui l'avait hanté la première fois qu'il avait été dans les griffes de Quimn.

L'humain commença rapidement à suffoquer. Il fallait qu'il fasse quelque chose. Son habituelle phobie de la mort avait disparue sous sa détermination et l'espoir qu'avait fait renaître cette blessure. Un espoir aussi grand que la coupure infligée avait été petite. L'humain aurait voulu lui aussi se défendre, enserrer le cou de l'aristocrafiquant avec ses doigts mais il ne pouvait l'atteindre ainsi : il était trop petit et l'autre le soulevait à bout de bras. Un instant, il estima que la différence de force entre les espèces humaines et non-humaines étaient trop injustes. L'instant d'après il décochait un formidable coup de pied sur la mâchoire de son kidnappeur. Il voulu recommencer mais l'autre ne lui en laissa pas le temps. Et après prononcé des paroles qui ne firent qu'augmenter sa rage, l'humain se sentit projeter dans les airs avant qu'un grand choc inconnu ne surgisse et ne l'emmène au pays des ténèbres. Une microseconde avant de s'évanouir, il fut désespéré. Il ressentait le Désespoir dans toute sa grandeur, certain qu'il allait mourir et qu'il n'avait pas pu accomplir ce qu'il s'était décidé à faire. Il allait mourir en tant qu'esclave.




Une lumière, un bruit au fin fond de son cerveau l'ennuyèrent. Il se trouvait bien là où il était avec une certaine sensation de paix et de bonheur. Un instant seulement. L'instant suivant, la paix et le bonheur disparurent sous la culpabilité et le sentiment d'échec. Ces sensations le gênaient, il voulait retrouver le calme qu'il l'avait submergé juste avant et il bougea légèrement pour chasser ces mauvais sentiments. Pourtant en bougeant, il senti quelque chose de froid et d'humide dans son dos et sous ses doigts, une lumière plus forte sous ses paupières. Il sut alors que la félicité qu'il avait goûtée à cet instant était partie et qu'il ne la retrouverait pas. Il devait bouger, chasser ce froid et ces tiraillements dans ses muscles. Il ouvrit les yeux et découvrit un univers tournoyant qui se stabilisa après quelques secondes. Cet univers ressemblait à quelque chose dans ses souvenirs. Une chose qui lui prenait aux tripes et qu'il savait qui lui fallait fuir sans plus attendre. Il referma les yeux un instant, reposant sa tête contre son bras étendu, jouant du bois des doigts avec un objet lisse et froid.

Un mauvais souvenir lui remonta le long de la colonne et l'épisode lui revint à la mémoire. Il se redressa immédiatement, ouvrant les yeux dans le même temps et flageolant un peu fit quelque pas sur le côté, histoire de s'accrocher à quelque chose qui ne tomberait pas. Il devait se ressaisir ! Il savait qu'un danger imminent se trouvait là, il sentait son coeur se mettre à battre sans savoir pourquoi il devait battre. Son instinct prenait le relais. Il leva les yeux, regardant autour de lui et se tétanisa lorsqu'il vit deux orbes flamboyants. Quimn. Alarin Zith Quimn. Il recula d'un pas terrifié. Son pied marcha sur quelque chose et il détourna le regard de cette vision d'horreur pour voir ce sur quoi il avait marché : une canne ? Il fut perplexe une microseconde avant de se remémorer l'épisode de la ruelle. LA canne.

C'était sa chance, non plus de fuir mais de le tuer. Il se pencha prestement et tira l'épée de son fourreau, gardant le bois dans sa main gauche. Nu mais armé, il grogna envers Quimn :

"Je vais finir ce que ce type avait commencé !"

Il ne désignait pas autre chose que la cicatrice qui parcourait le corps du démon. Pour autant, l'humain ne bougeait pas. S'il savait que la meilleure défense était l'attaque, il devinait instinctivement que cet adage ne s'appliquait pas à un démon qui pouvait se téléporter instinctivement. Il préférait donc garder un dos à quelques centimètres d'un mur crasseux mais protecteur et se concentrer à parer et surtout riposter au prochain mouvement de l'aristocrate ! Une riposte qu'il espérait qui se terminerait en une brochette démoniaque.

La lame ayant servi son maître démoniaque depuis au moins quatre siècles était pointée dans sa direction. Quelle sensation désagréable que celle du seigneur menacé par le vilain. La scène était bien grotesque. Deux hommes nus, un petit et armé l'autre grand et muni de ses dons naturelles face à l'inox de SON arme. L'humain mit un temps avant de s'emparer de la canne, mais Quimn n'eut la chance de le faire avant lui, comme le corps de l'esclave était toujours en contact avec l'objet. Alarin respira un bon coup. Ils étaient dans l'impasse. Amadaus ne pouvait l'atteindre et lui n'avait aucun moyen d'arriver plus près. Il pouvait certes se téléporter pour aller chercher une arme à feu, mais non. Il fallait résoudre le problème autrement. Convaincre son adversaire de commettre une erreur. La moindre faute pouvait être facilement exploitée par quelqu'un ayant ses réflexes. Mais il fallait qu'elle soit commise.

Sans bouger, étant prêt à bondir à chaque moment, il se mit à parler. Rien que les paroles pouvait toucher l'humain au point de le pousser à faire une bêtise. Ils avaient le temps. Tout le temps qu'il fallait.

"La personne qui m'avait fait ça était d'un tout autre format que Toi, petit mortel. Je doute que Tu puisses battre son record... De plus, elle est déjà morte. Comme Toi, Tu le seras bientôt."

Il devait avouer que l'allusion à cette blessure, son unique cicatrice, était un coup pour lui. C'était là son unique souvenir qu'il ne parvenait toujours pas à maîtriser. Et pourtant cela faisait déjà tellement de temps... Tellement de temps. Il attaqua sur un autre sujet, bien plus réaliste cette fois.

"Je pense que nous avons là ce qu'on appelle un pat. Je me demande qui tiendra plus longtemps. Et, surtout, combien de temps Tu penses tenir ce morceau d'acier comme ça. Il a été fabriqué pour moi... Pas pour un mortel. Je parie que Tu commences à avoir mal à ton petit bras..."

Ces paroles, accompagnées d'un petit sourire n'avaient rien de faux. La canne était pour un démon faisant deux mètres de haut et non pour un humain bien plus petit. L'aristocrate se promit de la faire modifier, pour qu'elle pèse le double dès que l'occasion se présenterait. Cependant, ça ne résolvait pas tout à fait le problème. Mais si Amadaus allait baisser sa garde, il allait surement le sentir passer. Les yeux rouges ne quittaient pas ceux de son vis-à-vis. Enfin, il visage pâle du démon prit une expression très malicieuse et cruelle. Un autre "argument" lui vint à l'esprit. Un argument de poids, à garder pour la suite. Mais cela donnait déjà un avantage dans la suite de la joute verbale des deux ennemis...

De toute évidence, la situation ne plaisait pas à Quimn. Et avec un grand sourire mesquin interne, Amadäus constata que la pique sur la cicatrice avait fait mouche.

"De toute évidence, grand connard purulent de mes deux, t'a pas encore compris, que nous autre humains savons que nous mourrons un jour ou l'autre dès la naissance. L'idée de la mort ne me fait pas plus peur que ça, étron décadent !"

Bon, qu'est-ce qu'il ne fallait pas dire ! Si Amadäus était encore vivant aujourd'hui c'était uniquement parce qu'il avait une trouille folle de la mort, en fait, il se considérait avec le temps comme le plus lâche de tous ses compagnons qui avaient été éxécuté il y avait plus de sept ans maintenant. Il y eu un instant de silence où Amadäus se demanda quand ses insultes réussiraient à nouveau à faire bouger le démon. Cela avait eu un effet sur la plage. Pourquoi cela n'en avait-il plus maintenant ? Saleté de contrôle de soi du satané aristocrate !

Contrôle qui l'amena à résumer très calmement et simplement la situation entre les deux protagonistes : impasse. Pourtant Amadäus se demandait pourquoi le démon ne se téléportait pas, pourquoi il restait aussi calme. Parce qu'il tenait son épée ? Il venait de lui dire qu'elle avait été fite sur mesure. C'était vrai qu'elle était lourde. C'était indéniable mais la rage, l'espoir et la volonté de l'humain lui donnait plus de force que l'épée n'était massive. Il tenait là assurément un atout. Il fallait énerver le démon pour l'amener à bouger tout en gardant l'arme qui remettait les forces quelque peu à égalité. Une arme qui était le centre de l'intrigue. Trop précieuse pour que le démon bouge et trop lourde pour qu'effectivement il puisse la porter longtemps.

"C'est vrai que les flingues dont je me suis servi pour abattre vos compatriotes étaient moitié moins lourdes. C'est vrai aussi que j'ai servi de bête de somme pendant plus de cinq ans à reconstruire vos maudits buildings. Mais... Il y a un moyen d'oublier ce désagrément..."

Le sourire était carnassier. Pour une fois, Amadäus avait l'impression de mener les choses et de ne plus subir. Etrangement, cela lui donnait les ailes qu'il abhorrait. Il avait toujours gardé le bois du fourreau dans la main gauche car il était plus léger et plus facile à manier. Il allait s'en servir pour se défendre. Juste le temps qu'il fallait. Le temps qu'il mettait en application maintenant !

L'arme ne se dirigea plus vers Quimn mais se planta profondément dans le mur avant de plier, ployer et fléchir sous la force de l'humain qui tirait sur le côté dans l'intention évidente de briser la lame en deux. L'humain cru ne jamais y parvenir. Mais le démon avait fait l'erreur ne pas se faire créer une lame sur mesure deux fois plus lourde. Passé un certain angle, la lame se brisa dans un bruit sec. Plusieurs éclats tranchants tombèrent au sol tandis qu'une pointe restait toujours fichée dans le mur, aussi agressive et dangereuse.

En se rompant, à la cassure, il y avait en symétrique de l'autre morceau dans le mur, de nouveau un estoc, prêt à transpercer le moindre muscle de démon un peu trop entreprenant. Avec un peu de chance, l'autre serait enragé et Amadäus avait désormais une lame plus maniable et légère à sa disposition. Les dents serrées, un sourire méchant à moitié disparu sous la haine, l'humain attendait le prochain mouvement du démon.

Sa canne vola en éclats sous ses yeux. Si enrageant que cela soit, Alarin laissa couler. Il en avait une de rechange, moins belle et pratique, mais quand même, en attendant que la nouvelle lui soit fabriquée. Le démon sourit à son adversaire. Amadaüs venait de faire un pas vers l'avant, mais il ne gagnait pas la course, loin de là. Il se décida de résumer la situation, avant de passer à une contre-attaque. Sa voix était de nouveau calme et froide.

"Pas mal, pour un être inférieur. Mais ça ne change pas grand chose à la situation, petit. Tu ne t'approcheras pas de moi, parce que Tu as peur de se retrouver avec moi dans le dos. Et moi... Eh bien, je connais cette arme assez pour savoir qu'elle est très tranchante."

Ce n'était pas faux. Peut-être qu'au contact, avec sa force et sa vitesse, il pourrait l'emporter, mais à quel prix? Il était fort risqué de s'attaquer à l'esclave trop directement. On pouvait toujours attendre qu'il s'épuise, de faim, de soif et de tension mentale qui devait lâcher. Cependant, combien de temps devrait-il encore attendre? Combien d'heures perdues? Non, ce n'était pas la bonne solution non plus. Il en avait une autre, mise de côté auparavant. Un argument pour faire enrager son ennemi. Il fallait le faire sortir de ses gonds. Et que cela ne dure pas trois jours. Alarin repensa à sa nuit en compagnie de Mélyssandre, son esclave et sa partenaire de jeu. Il se lécha les lèvres se remémorant tout ce plaisir infini qu'il eut ce soir-là. Un plaisir inoubliable... Un plaisir qui allait transparaitre ici et donner de la couleur à son histoire. Une couleur horrible pour l'humain, douce et ravissante pour le démon.

Ce dernier croisa les bras et prit une pose plus nonchalante. Ensuite, il se mit à parler, lentement, prenant le temps et pesant ses mots. Les pesant pour qu'ils soient les plus lourds et les plus blessants possibles. Et il le faisait bien...

"Tu sais... Mâat, ta douce petite partenaire est bien mignonne. Et sa peau a bon goût...Tu as déjà essayé? Non... Sûrement pas, Tu es "meilleur" que cela, hin? Ou alors Tu n'as jamais osé? En tout cas, elle avait hurlé de plaisir dans mes bras, avant de me parler de Toi, petit humain. Elle ne croyait pas à ton histoire de rébellion et voulait s'assurer de sa survie à elle. Bien sûr, en ce moment, elle nourrit les poissons, mais ce qu'elle a pu être délicieuse pour s'en sortir. Son énergie, elle sait la transmettre en caresses... Même Toi, Tu aurais cédé... Mais bon... Tu n'auras plus l'occasion d'essayer..."

Il mêla des mensonges les plus affreux aux détails véridiques donnant une probabilité, technique du moins, à cette histoire. Il souriait et son sourire montrait bien qu'il avait fait quelque chose avec la belle hybride. Il y avait de telles passion et de la perversité dans sa voix, que seule une expérience vraie peut engendrer. Ou un esprit totalement malade... Mais sincère.

Amadâus enrageait silencieusement : mais c'était qu'il ne bougeait pas ce con ! Ouais, l'impasse était de plus en plus proche. D'ailleurs, en écoutant les mots du démon, Amadäus soupira. Oui, le statut quo. L'autre ne le laisserait assurément pas gagner comme cela. Mais il n'empêchait que maintenant que l'arme était plus maniable, il pouvait se permettre de pouvoir envisager de bouger. 'Se permettre de pouvoir envisager de bouger' Ca donnait une probabilité de combien ça ? Cinq à dix pour cent ? Et les chances de succès ? Encore plus faibles, il fallait être réaliste. La situation commençait à devenir épuisante et Amadäus ne s'était jamais vraiment sentit à l'aise lorsqu'il était déshabillé. Et encore moins dans cette situation. Mais il ne pouvait pas rester ainsi à attendre ce que l'autre avait bien compris qu'il attendait et qu'il ne ferait pas. L'aristocrafiquant ne bougerait pas.

C'était à lui de bouger, avec les risques que cela impliquait. Il allait se décider à avancer lorsqu'il s'arrêta net, son projet tué dans l'oeuf. Il voyait sa langue passer sur ses lèvres et l'humain se demanda se qu'il se passait. Passé la première seconde d'inattention, il se plia à nouveau sur ses jambes attendant une nouvelle fourberie de sa part. Le démon se montrait de plus en plus détendu, ce qui au contraire rendait l'humain de plus en plus tendu et méfiant. Qu'est ce qu'il préparait ?

Dès le troisème mot prononcé par le démon, l'humain se figea. Mâat. Il connaissait Mâat. Il connaissait donc tout. Amadäus l'avait supposé mais ne l'avait jamais cru. A moins qu'il ne le savait mais qu'il se mentait à lui-même. Mais là, là il ne pouvait plus mentir. Fini. C'était dit. Que lui avait-il fait ? Il écouta.

"Tu sais... Mâat, ta douce petite partenaire est bien mignonne. Et sa peau a bon goût...Tu as déjà essayé? Non... Sûrement pas, Tu es "meilleur" que cela, hin? Ou alors Tu n'as jamais osé? En tout cas, elle avait hurlé de plaisir dans mes bras, avant de me parler de Toi, petit humain. "

"- Hurlé de plaisir, hein ? Comme quoi elle n'était pas très difficile. Parce que franchement pour moi, c'était loin d'être le cas. Je comprend pourquoi vous en êtes rendu à ne même plus oser aller chez les putes de la Prïam. Ils doivent tous se foutre de votre gueule. C'est que pour le grrrrrrand Quimn, être incapable d'utiliser sa queue, ça la fout mal... C'est qu'il doit avoir honte le pauvre petit."

A vrai dire qu'il l'avait possédé ou pas, il lui en était un peu égal pour le moment. Il pensait surtout à sa propre peau et quand bien même il n'aurait pas été dans cette situation, il s'en ficherait tout autant. Mâat était gentille mais surtout utile. Cet acte n'aurait fait que la rendre plus furieuse encore contre les libres. Ca lui rendait service au final. Les propos de Quimn avaient également fait transparaître qu'il n'avait rien compris. L'hybride pouvait être magnifique mais aussi magnifique était-elle, elle était avant tout une non humaine. Et il la détesterait et ne la toucherait jamais pour cette raison. Il entendit qu'elle ne croyait pas à cette histoire ed rébellion et ne le crut pas. Il avait au moins confiance en elle pour cela. Mais quand il apprit qu'elle était apparement morte, il se raidit et avala sa salive en reculant d'un pas.

Elle morte, il s'en fichait, il avait prévu de la tuer dès que les libres étaient morts. Mais elle morte, cela voulait surtout dire qu'il devrait faire très attention : s'il cédait, il connaîtrait le même sort. S'il cédait... Mais n'avait-il pas déjà cédé en avouant une demi vérité ? Sa respiration se fit un peu plus rapide et moins calme. Il recula d'un pas, sursauta en marchant sur un débri de métal, sentit une douleur dans son dos. Il se retourna instinctivement pour voir ce que c'était. La pointe de la lame fichée dans le mur luisait d'un liquide rouge. Il s'était coupé. L'humain se rapella soudainement de qui se trouvait dans la pièce avec lui et se retourna précipitemment.