Désolant. Comme à son habitude, Amadäus n'avait rien d'autre à faire que de se promener, les mains dans les poches et arpenter la ville. On eut pu croire à le voir qu'il voulait connaître chaque recoin, chaque ruelle et chaque détour de la cité. On aurait eu raison. A force, c'était plus ou moins ce qu'il s'était mis en tête de faire. Se repérer pour mieux savoir où se cacher, où on ne le retrouverait pas, où étaient les points faibles de l'agglomération et bien sur à quoi correspondaient les bâtiments. Pour l'instant, il était toujours dans la phase de marcher pour parvenir à dessiner sans erreur le plan les yeux fermés.
Mais alors qu'il marchait ainsi, il sentit quelque chose lui tomber sur le crâne. Quelque chose de faible. Il releva la tête en posant la main sur ses cheveux et ne vit rien. Mais quelque chose d'auter lui tomba alors sur le visage. Une goutte d'eau. Et à voir la couleur du ciel au dessus de lui, il s'agissait davantage d'une goutte de pluie. L'humain se remit à marcher en chantonnant à mi vois mais sans discontinuer une comptine de son enfance :
"Il pleut , il mouille
C'est la fête à la grenouille
Il pleut, il fait beau temps,
C'est la fête au paysan.
Il pleut , il mouille
C'est la fête à la grenouille !"
De temps en temps, il éclatait d'un rire joyeux. Les rues se vidaient à cause de la pluie. Celle ci se fit d'ailleurs de plus en plus dense et l'incita à ne pas rester ici. Il ne se promenait jamais avec un parapluie. Il hâta le pas, prenant de nouvelles ruelles et trouva finalement un petit porche crasseux qui recélait une porte de service. A côté de celle ci, une fenêtre ouverte, presque un soupirail tant il était petit, laissait échapper de délicieux arômes. Il devait se trouver donc par la porte de derrière d'un restaurant.
La porte s'ouvrit et l'humain s'écarta pour laisser passer un employé avec une toque qui sortait une poubelle. Alors qu'il refermait presque la porte on entendit un cri à l'intérieur :
"Ehhh ! Ma grenouille ! Rattrapez là ! Ferme la porte !"
La porte se ferma donc mais Amadäus vit une petite grenouille sautiller sur le bitume sale. Sans trop réfléchir, il s'empara du batracien et le fourra dans sa poche. Il se retourna juste à temps que le démon sorti. Celui-ci regarda un peu partout puis l'accosta brutalement :
"Eh ! L'esclave ! T'aurais pas vu une grenouille ?
-Euh... Non. Qu'est ce que vous faites avec une grenouille ?
-Bin des cuisses de grenouille, mon con ! Bon, bin tant pis, elle a du filer."
Et sans autre forme de procès, il se retourna et claqua la porte. Amadäus attendit quelques secondes et s'empara d'une vieille caisse de bois pour s'assoir au sec. Il dégagea l'animal de sa poche et lui parla :
"Bin t'as eu chaud toi, hein ? Pas vrai ?"
Il avait l'air un peu crétin de parler à une grenouille et peut-être était ce que pensait la personne qui l'observait depuis quelques mètres...