Sous un soleil précoce

Amadäus marchait au hasard, sans but autre que celui de faire passer le temps. Les mains dans les poches d'un pantalon superbement taillé - sa maîtresse ne laissait pas sa garde robe au hasard - la chemise ouverte sur le satané collier de cuir noir, l'humain s'arrêta soudainement devant un écriteau accroché sur un grillage peint en vert. "Square Gaëlla Solaris" Suivi des horaires et des interdictions. Amadäus negligea de lire le reste et reporta son regard sur l'intérieur de l'enclos. Des enfants jouaient entre eux surveillés par l'oeil complaisant ou réprobateur de leurs nourrices, d'esclaves ou de simples libres.

L'humain poussa du bout du doigt la grille qui se referma derrière lui dans un grincement. Ses pas le menèrent jusqu'à unbanc de libre et pas trop sale, un peu à l'écard des braillements des mioches. D'un regard blasé, il se demanda pourquoi les immortels continuaient de pondre autant. Il finirait par y avoir trop de monde sur cette terre. Et ce n'était pas en éliminant les humains qu'il pourraient réguler la populatio : ils l'avaient déjà fait. Les mortels étaient si peu... Si peu nombreux... Un moineau se posa sur le dossier du banc où était assis l'esclave immobile et interrompit ses pensées. Il le regarda, appréciant sa vivacité et sa beauté simple et naturelle. Toutes les pensées négatives s'étaient tues, il ne faisait que contempler le moineau qui recherchait sa subsistance, moineau qui s'envola dans un petit bruissement d'aile.

Amadäus souriait maintenant. Il pencha la tête en arrière, fermant les yeux, laissant le soleil le réchauffer agréablement. Il faisait si doux pour la saison ! L'humain se laissa glisser lentement vers l'avant se calant aussi bien qu'il le pouvait, ne pensant à rien se laissant juste bercer par la chaleur, oublieux du reste du monde et de l'univers, qui il le savait ne tarderait pas à se manifester d'une manière ou d'une autre. Il laissa cette pensée tomber aux oubliettes et profita du moment, de la tranquilité, du chant des oiseaux et du soleil.

Quelques heures de liberté.
Bah, c’était mieux que rien.
Et s’il essayait de s’échapper, la chaîne qui servait de laisse pour son Maître, et qui pendait le long de son corps en ondulant, le forcerait à rentrer s’il comptait s’enfuir. Son Maître avait de nombreux pouvoirs, c’était sûr. Bien qu’Ethan s’amusait grandement à lui tenir tête, il ne perdait pas de vue que cet homme à la peau sombre avait de grands pouvoirs.
Bouai. N’empêche qu’il se demandait bien comment cette chaîne allait s’y prendre pour le ramener. Mais aujourd’hui, il n’avait pas envie de tester la chose, une autre fois peut-être.

Il avait erré dans le centre de la ville pendant un moment. Il faisait beau, mais il faisait assez frais tout de même. Ou alors Ethan n’était qu’un frileux Il portait un large sweet noir, dont les manches lui dissimulaient presque les mains et qui lui arrivait à la mi-cuisse, ainsi que d’un pantalon en jean, noir aussi, couvrant les baskets noires et blanches Prison Issue.
Les vêtements que son Maître lui fournissait étaient toujours dans les tons noirs. Seul la casquette qu’il portait avait quelques touches de rouges.
Bah, il n’aimait pas beaucoup les couvre-chefs, mais bon, il avait la peau sensible aux rayons du soleil, aussi faibles qu’ils soient. C’était ça, le désavantage d’être un démon à la peau claire.

Enfin, pour l’instant, il était un peu paumé.
Allant un peu au hasard, il dépassa la grille verte, ignorant superbement l’écriteau annonçant « Square Gaëlla Solaris ».
Il était attiré par les cris enfantins venant de cet endroit. Les cris des gamins ne le dérangeaient pas. Il n’avait que rarement côtoyé des enfants, et il s’en approchait généralement avec curiosité.
Il ne se souvenait pas de lui étant enfant. Il se demandait parfois s’il était passé par ce stade.
Avant d’arriver dans ce monde, il n’y avait pas de miroir, du moins pas avant un certain temps.
Il n’avait pas de photos, pas d’images, il n’avait pas connu son corps enfant, ni même un reflet.
Il aurait pu y penser, dans l’eau ou quoi, mais non. Ce n’était pas la chose qui l’avait préoccupée, ou alors il avait oublié.

Planté juste devant la grille qu’il avait soigneusement refermé, il observa les bambins. Ils couraient dans tous les sens, en riant, se touchant l’épaule, repartant dans l’autre sens en criant.
Pourquoi ils faisaient ça ?
Ethan n’avait jamais eu la notion de « jeu d’enfants », étant donné que ça n’a pas fait partie de son apprentissage. Pour lui, c’était un spectacle très étrange. Si quelqu’un venait à lui courir après en hurlant, pour lui taper l’épaule et s’enfuir, il l’aurait prit pour un timbré.
Alors pourquoi chez ces enfants, c’était visiblement normal ? Qu’est-ce qu’ils faisaient ? Dans quel but ?
Le jeune démon vit que la troupe d’enfants se rapprochait dangereusement de lui. Un garçon aux cheveux roux, plus concentré sur ce qui se passait derrière lui que devant, buta contre ses jambes.
Ethan avait bien essayé de l’éviter, ou du moins de faire en sorte à ce que le rouquin continue sa route, mais visiblement il ne l’avait pas entendu dire « attention, attention ! ».
Le petit roux rebondit de manière assez incroyable sur ses jambes, et tomba par terre.

« Aïe ! »

Le jeune démon le regardait avec de grands yeux, ne sachant pas trop quoi faire. C’était pas tous les jours qu’on se cognait à ses jambes.
Mais le gamin ne semblait pas fâché, ses joues claires avaient rougies, et il semblait encore plus gêné que l’esclave.

« P-Pardon m’ssieur, j’vous avais pas vu. »

Ethan fit une drôle de grimace pour signifier que ce n’était pas grave, et le gamin repartit courir plus loin avec ses amis de fortune.
Mouai. Ethan soupira, tripota distraitement la chaîne qui pendouillait, puis constatant qu’il avait l’air con, oui il connaissait la notion d’avoir l’air con, planté debout là, il chercha du regard une place où s’asseoir.
Pourquoi fallait-il qu’il n’y ai pas de place ? Pourquoi fallait-il que tous ces gens aillent au même square et même moment ?
Ah, si, une place. Un banc, où il n’y avait qu’une seule personne. Pendant un instant, Ethan se demanda si c’était une bonne idée d’aller s’asseoir aux côtés d’un gars qui souriait à un oiseau. Puis, haussant les épaules, il se dirigea vers la place.
Avant de s’asseoir, il se dit que peut-être il fallait demander.

« Euh...Je peux ? »

Il montra, inutilement d’ailleurs, de l’index la place à côté de cet homme aux cheveux clairs et dont la chemise ne laissait paraître qu’un collier sombre.
Mais Ethan n'eut pas l'occasion d'entendre la réponse. Ou alors l'homme n'avait pas eut le temps de la dire, ça revenait au même, car une chose inattendue vint rebondir sur le crâne de l'inconnu.
Le jeune démon écarquilla les yeux, surpris et un peu choqué. Le gamin roux qui l'avait percuté quelques minutes plus tôt vint à leur rencontre, gêné, prit la balle d'un rouge usé qui continuait sa route en rebondissant sur le sol, et s'en alla en courant en murmurant une excuse.
Ethan ne bougea pas, interloqué.

" Euh...Ca va ?"

En fait, il avait à présent une furieuse envie de rire. Le bruit de la balle avait été assez drôle en fait. Mais il craignait un peu la réaction de l'homme en question, même s'il souriait aux petits z'oiseaux, il n'avait pas l'air fort commode.

Amadaüs sentit une ombre fraîche passer sur son visage. Il ouvrit alors les yeux vers un autre oiseau. Un drôle d'oiseau qui tout habillé de noir devait être de genre d'un corbeau. Il ne restait plus qu'à espérer qu'il n'était pas aussi bruyant et qu'il le laisse profiter du soleil. Ahhhh ! Apparement, c'était râté. Le voilà qu'il venait de lui demander son autorisation pour s'assoir ! L'humain trouva cela extrèmement stupide. Au vu de la chaïne lui aussi était esclave et il ne voyais pas pourquoi il demandait. Comme si ca lui appartenait.

Amadäus poussa un grognement de chien dérangé dans sa sieste :

"Gnouais. Tu peux.."

Comme si ça lui appartenait ?! Le type avait l'air d'être timide, bizarre et manipulable. Etait-il humain ? C'était toujours la question que se posait Amadäus quand il rencontrait quelqu'un. Il l'avait dérangé et avait envie de voir jusqu'où l'obéissance de ce type irait.

"Tu peux mais tu me pipes avant."

Amadäus se découvrait un côté machiavélique et bien peu honorable. Mais peut-être que l'esclave refuserait. Il ne savait pas et avait l'impression de jouer à pile ou face. Comme si cela voulait laisser le temps de réfléchir à Corbac, il sentit un truc lui atterrir sur le crâne. Il porta la main à sa tête en se retournant. Un mioche démon venait vers lui. L'humain l'ignora. Il ne méritait que son mépris comme une chose insignifiante. Curieusement, il avait l'impression que s'il lui avait lancé une bordée d'injures de toutes sortes, il en aurait semblé moins dangereux qu'avec son dédain. Mais l'expression dégoûté" de son visage montrait bien que son silence ne provenait pas d'une quelconque soumission. Il remarqua alors que la totalités des bancs étaient complets sauf le sien. Justement, Corbac se manifestait encore et lui demandait s'il allait bien. Ses yeux montraient que l'esclave se fichait de lui. Amadäus lui jeta avec une voix impérative :

"Puisque tu te sens si concerné par mon état de santé, tu sais ce qu'il te reste à faire..."

Amadäus s'étala un peu sur le banc, gardant toujours les bras autour du dossier mais écartant davantage les jambes que ce qu'il n'avait l'habitude. Son regard dur et impérieux ne laissait pas de doutes concernant ses dires. Mais intérieurement, il se demandait si le type le ferait.

« Gnouais. Tu peux... »

Gnouais. C’était quoi cette façon de s’exprimer ? Ethan hocha la tête. Il observait l’homme qui lui avait répondu. Un collier noir enserrait la gorge de cet homme. Ah, un esclave hein ? Il avait l’air encore plus chiant de près que de loin. Merde, mais pourquoi lui ? Finalement, s’asseoir par terre était peut-être une meilleure solution que de s’asseoir là et de supporter une présence qui allait visiblement s’avérer désagréable. Ou alors il n’avait plus qu’à dégager une bobonne de sa place pour y poser ses propres fesses. Mouais. En général, Ethan préférait éviter les conflits, n’étant pas au meilleur de sa forme et ne possédant pas toutes ces capacités. Avec son propre collier de métal, il était en réalité très vulnérable, bien qu’il donne parfois l’impression d’être sûr du contraire.

« Tu peux mais tu me pipes avant. »

Ethan haussa les sourcils d’un air surpris. Pas parce qu’il était puceau qu’il savait pas ce que ça voulait dire.
Il fut d’abord un peu choqué. Non mais, pour qui il se prenait ce crétin ?
Puis la balle le frappa, il lui demanda si ça allait. Mais pourquoi il avait fait ça ? Fallait vraiment être con pour demander à quelqu’un qui ordonne une pipe si ça allait. Bah, un réflexe sûrement. Ethan avait tendance à ne pas être tout de suite méprisant avec ceux qui était de la même « classe » que lui. Après tout, son occupation dans la vie, c’était de haïr et de mépriser au maximum les libres, pas les esclaves.
L’inconnu renouvela sa demande, écartant les jambes d’une manière qu’Ethan trouva ridicule. C’était peu intelligent, d’offrir une partie du corps masculin si sensible à quelqu’un que l’on ne connaît pas. Cet homme semblait vouloir être celui qui maîtrise la situation. Et c’est ça qui le rendait ridiculement drôle. Cet esclave se prenait pour une personne pouvant ordonner, alors qu’il était de lui exposer son entrejambes.
Ethan éclata de rire. Les doutes qu’il pouvait avoir tout au fond de lui sur sa survie selon ses petites manières de renégat face à un Maître avaient disparu.
Puis, d’un geste rapide et brusque, il donna un coup de pied là où se trouvait la partie si sensible de cet homme. Il appuya son pied sur le bord du banc, tout près de son entrejambes.

« Va t’faire foutre. »

C’aurait pu être une réponse dure, méchante, mais toujours amusé par cet homme, il le lui avait dit tout en souriant. Il n’allait pas cacher qu’il le trouvait bien amusant, le ti monsieur.
Il ne voulait pas non plus rester dans une telle position, nan parce que manquerait plus qu’il lui attrape la jambe et c’en était fini, il n’était vraiment pas en position pour résister. Il se retira donc vite fait, et se laissa retomber sur le banc.

Amadäus ne savait pas à quoi s'attendre mais il était tout à fait certain qu'il ne s'était pas attendu à ça. Plié en deux, les mains au point d'impact, l'humain fermait les yeux sous la douleur, essayant de chasser par la pression l'endroit où ça lui cuisait. Peine perduen ! Ca partirait surement mais lentement. En attendant, son corps n'osait pas bouger. Il entendit une voix flutée chanter non loin.

"Va t'faire foutre !"

D'une voix où perçait toujours de la douleur, sifflant entre ses dents aussi serrées que ses yeux, Amadäus répliqua et pensa à voix haute en même temps :

"Putain ! L'enfoiré ! Certainement pas et encore moins par toi ! A voir ta façon de piper, je parie que t'es pas foutu d'enculer une mouche ! Mais t'as jamais utilisé ta queue ou quoi ? Tu sais pas qu'ça fait mal ? Putain de merde ! Le foutu connard ! Rhaaa ! 'De Dieu !"

Amadäus arrêta là son monologue. Il sentait qu'à côté de lui, le type s'était assis tranquillement. Il respira un grand coup et décida de se redresser. En le voyant, n'importe qui eut pu deviner que quelque chose n'allait pas. Tout en regardant droit devant lui, Amadäus reprit du bout des dents d'une manière extraordinairement calme :

"Tu sais que t'aurais dit 'non', ça aurait suffi ? J'aime pas les mecs."

Il se détendit un peu sur le banc, preuve que ça allait mieux. Il poussa de nouveau un soupir et s'amusa à tracer du talon quelques signes dans la poussière sous ses pieds. L'humain jeta un coup d'oeil sur le côté pour vérifier où se trouvait l'énergumène. Il n'avait aucun envie qu'il l'approche de nouveau mais il remarqua alors la chaîne qui pendouillait à son collier. Amadäus tourna la tête un peu plus franchement et contempla Corbac d'un oeil méfiant et curieux à la fois. IL désigna quelque chose de pouce et demanda :

"Pourquoi t'as une chaîne ? T'as fauché compagnie à ton maître en lui faisant la même chose qu'à moi ? Ou bien tu t'entraînais juste ?"

Amadäus avait envue de ponctuer sa phrase par un 'connard' bien senti qui l'aurait soulagé mais il s'en abstint. Ne lui demandez pas pourquoi, il l'ignorait lui-même. Peut-être parce que même si le geste avait été un poil, non, carrément trop violent, il préférait cette attitude à celle d'un esclave qui se serait soumis. Pour discuter avec ou passer un moment, c'est plus agréable. C'est vrai que physiquement parlant, par contre, Corbac avait encore des leçons à prendre.

Ethan écouta sans y prêter énormément d’attention le petit monologue de l’homme.
Levant les yeux au ciel en soupirant légèrement, il ignora ce qui pouvait sous-entendre qu’il était puceau. Il aurait bien voulu répondre qu’il n’avait jamais « enculé » et qu’il n’allait jamais s’abaisser à ce genre de choses répugnantes, mais ce n’était pas le moment d’engager la conversation sur ce sujet.

« Bla, bla, bla. Bien sûr que je sais qu’ça fait mal, sinon je n’l’aurais pas fait, imbécile.»

En même temps, il l’avait cherché. Ca lui apprendra, à vouloir faire le malin.
Petit silence. L’autre était en train de se remettre. Bah, c’était pas comme si il avait tapé fort, il allait s’en remettre.

"Tu sais que t'aurais dit 'non', ça aurait suffi ? J'aime pas les mecs."

Il était calme, ce qui étonna quelque Ethan. Ses origines de démon ne lui donnaient pas un tel contrôle de soi.
Ethan haussa les épaules. C’aurait suffit, certes.
Par contre, ça le rendait un peu mal à l’aise d’être observée ainsi. Quoi, lui aussi était un esclave, z’allez pas me dire qu’il trouvait ça étrange de porter un collier pareil ? Alors qu’il s’apprêtait à lui dire d’aller fixer quelqu’un d’autre, l’inconnu le devança en reprenant parole.

"Pourquoi t'as une chaîne ? T'as fauché compagnie à ton maître en lui faisant la même chose qu'à moi ? Ou bien tu t'entraînais juste ?"

Ethan leva un sourcil. Il aurait pu lui expliquer, que son Maître était un barjo fini complètement pervers. Mais en même temps, il n’était pas du genre à étaler sa vie au premier venu qui lui demandait une fellation.

« Si on te l'demande, tu diras qu’tu sais pas. »

Regardant ailleurs, peut-être par peur d’affronter le regard de l’autre comme simple réflexe, il ajouta tout de même :

« Et tu dois bien savoir qu’on ne plante pas son Maître comme ça. On ne s’enfui pas avec ça autour du cou. »

Il faisait allusion au collier mangeur de pouvoirs. Maintenant, il ne pouvait pas savoir que cette personne était humaine, et qu’elle ne connaissait donc pas l’horrible sensation que procurait un tel objet lorsqu’il vous suce votre énergie jusqu’à la moëlle. En fait, les Immortels comptaient beaucoup trop sur leurs pouvoirs. Un Immortel privé de ceux-ci n’était qu’une loque vivante. Il suffisait d’un simple collier pour les réduire à des petites choses tremblotantes. Bah, on ne peut pas tout avoir.

A sa question, Corbac lui répondit brièvement avant de tourner la tête ailleurs. Génial. Il l'intimidait ou quoi ? MAis avant qu'il ne pu pousser plus loin sa réflexion sur la raison de ce détournement de tête aussitôt après la réponse, le démon enchaîna -façon de parler - en lui donnant un peu plus de précisions. Donc il n'avait pas fauché compagnie à son maître. Amadäus haussa les épaules en répliquant :

"Et pourquoi pas ?"

Comme pour laisser un temps de suspense, l'humain se releva à demi pour se réassoir sur sa jambe droite désormais pliée sur le banc et sous ses fesses. Amadäus reprit alors en regardant un autr emoineau qui venait de se poser par terre à deux pas d'eux :

"C'est sur que ton collier à l'air vachement lourd mais il ne t'empêche pas de courir, non ? De marcher, je le sais parce que je t'aurais pas vu venir jusqu'ici en rampant mais... Enfin... Et puis, de toutes les rumeurs et tentatives d'évasions que j'ai entendu, pas mal ont fonctionnées alors que l'esclave se trouvait déjà dans la rue avec son maître. Quoique ces types là, devait avoir un maître qui n'avait pas un pouvoir à longue distance. Ou alors pas pas trop dangereux pour un type qui se barre en courant. Ch'ais pas."

L'oiseau s'envola. Amadäus resta fixé sur l'endroit où il se tenait juste auparavant. Un rire d'enfant éclata non loin et il reprit la parole :

"Quel pouvoir il a ton maître pour voir ? C'en est un qui t'empêche de prendre la clef des champs ?"

Amadäus s'était tourné vers Corbac, le côté droit contre le dossier du banc et le coude par dessus, se réinstallant de manière plus confortable pour la discution. Il remarqua alors qu'il entrait dans une vraie discution d'esclave, parler de leur maître. Cette pensée l'assombrit un peu. Même s'il y pensait constamment, peu à peu il s'enfermait dans leur comportement. Il passa alors son bras devant son cou, sa main allant frotter sa peau dans son dos au niveau de l'épaule. Sous ces doigts, le relief de la brulure qu'il avait reçu. Il avait légèrement baissé la tête sous cette pensée morose.

Ethan soupira. Ca l’agaçait un peu, ce petit discours qu'il qualifiait d’ignorant.
S’il tourna la tête pour se retrouve face au visage de cet homme, ses yeux ne rencontrèrent toujours ceux de l’autre. Toujours cette manie. Un des petits moineaux qui tournait autour d’eux depuis tout à l’heure vint se poser sur son épaule. Bah, il avait toujours attiré les bêtes sans jamais comprendre pourquoi, qu’il le veuille ou non. L’oiseau s’envola lorsque son perchoir bougea pour lui faire comprendre qu’il devait dégager de là.

« Pour te donner une vague idée, ce truc ne me permet même pas de m’envoler. Si j’essayais, je m’écraserai sur le sol d’épuisement, et je n’aurai plus qu’à écouter mes os se broyer. »

Il eu un petit sourire amusé en parlant de ses os. Ses ailes. Voler était une chose qui lui demandait encore moins d’énergie que courir. C’était pourquoi il lui paraissait naturel que le fait de ne pas pouvoir voler montrait que ça réduisait nettement sa capacité physique. Et puis lui, il était un cas mis à part : son collier n’était pas identique aux autres. Le sien était adapté pour le rendre faible au maximum.

Ethan trouvait étrange la façon dont cet homme parlait de s’évader. Il n’avait pas l’air de savoir ce qu’était vraiment ce collier. Ethan eu une sorte de tilt retentissant dans son cerveau. Il ne fallait pas qu’il oublie qu’il existait encore des humains, et que cet homme en était visiblement un. Du moins selon lui.
Il y eu une allusion à son Maître. Ah, son Maître.

« Mon Maître ? Oh, ce n’est pas bien compliqué d’empêcher une personne à s’enfuir comme bon lui semble. De toute manière, si j’essayais, il me retrouverait... »

Ca, c’était au moins une chose dont il était sûr. De toute façon, fallait déjà échapper à Kemseth, ce qui n’était pas chose aisée. Valait mieux pas se compliquer la vie et pourrir celle de son Maître, c’était nettement plus sympathique.
Ethan soupira un peu, avant de remarquer que son vis-à-vis semblait tout à coup un peu abattu. Il se demanda de quelle origine était cet inconnu. Il n’avait pas de problèmes avec les humains. Il n’a pas été mis dans cette idée depuis son enfance, étant donné qu’il n’en a pas eu une conforme à ce monde. Mais il avait vraiment envie de savoir s’il était bien ce qu’il pensait.

« De quelle origine es-tu ? »

Amadäus eut un geste de contrariété de la main tout en disant d'une voix agacée :

"Ecrasé, écrasé ! Tu dramatises pas un peu là ? Ou alors t'as jamais réussi à prendre ton envol d'autre chose que du haut d'un perchoir ? Dans ce cas là, ouais, je suis d'accord mais sinon... C'est pas en décollant du sol que tu vas entendre tes os se boryer mon gars ! A moins que tu sois du genre à tomber et te casser un os comme ça mais tu me donnes pas cette impression. Et puis ça ne t'empêche pas de courir."

Amadäus soupira un peu et appuya sa tête sur sa main posée sur le dossier du banc. Il l'écouta mentionner son maître et le niveau de difficulté général à empêcher les gens de s'en aller. Cette fois ci la réponse de Corbac lui montra sa propre impuissance et Amadäus confirma :

"Ouais, c'est pas bien compliqué... Quand on a le matériel adéquat. Sans ce collier, je me serais barré depuis belle lurette ! Dommage que ce soit un concentré de saloperie pour nous pourrir la vie ! Aussi bien le mien que le tien. Ces salopards trouvent toujours le point faible. Le mien aussi me retrouverait facilement : y'a un émetteur. Le tien aussi ou c'est le pouvoir de ton ... "ami" qui fait ça ?"

Amadäus reprit son souffle un instant, se taisant et regardant aux alentours. Rien de bien particulier, si cen'était que les moineaux du parc convergeait lentement mais sûrement vers leur position. Il y avait là de quoi faire un film d'horreur avec un peu de talent cinématographique. Il releva la tête vers Corbac lorsque celui lui demanda d'où il venait. Il haussa les sourcils de surprise devant une telle question et répondit avec un ton peu sur :

"Et bien... Je suis né ici, Lichtlandien à cent pour cent, comme l'étaient mes parents et mes aïeux avant moi. Drôle de question, à moins que... Tu viens de l'Extérieur ? C'est comment ? J'ai toujours voulu savoir... Enfin... Si je me trompe pas : tu serais le premier que j'ai jamais rencontré."

Les petits moineaux étaient partis de l'esprit de l'humain dont les yeux étaient maintenant grand fixé sur Corbac. Il s'était même rapproché un peu, pour mieux entendre sa réponse.

Ethan leva les yeux au ciel. Il n’avait pas vraiment envie d’expliquer à un ignorant ce qui se passe lorsque l’on porte un tel collier. L’idée que cet homme soit un Humain se renforçait au fur et à mesure qu’il l’écoutait parler, apparemment en plein trip dans son monologue.
Oui, il pouvait courir. Mais pas très longtemps, et il finissait comme une vieille loque humaine en sueurs après deux minutes, tellement ce truc lui bouffait toute son énergie. Le seul problème avec cette magie, c’est qu’au moment de l’effort, on ne se rend pas compte qu’on a pas la force de l’effectuer. C’est vraiment un truc de vicieux.
Mais bon, si cet homme n’était pas au courant de ce genre de choses, il n’allait pas passer son après-midi à le lui expliquer.

Ah, encore une allusion à son Maître, Kemseth.
Ethan prit une minute pour réfléchir. Définir les pouvoirs de Kemseth était une tâche un peu difficile.

" Hum, un émetteur, je ne pense pas. Celui-là ( il prit entre ses mains la chaîne qui pendait ) sert juste à me ramener à la maison par je ne sais quel moyen si je ne rentre pas à l'heure. "

Il fit jouer la chaîne entre ses doigts, s'amusant avec. Son Maître ne devait attendre qu'une chose, qu'il ne rentre pas à l'heure.

Ethan eu un soupir légèrement exaspéré. L’inconnu était en train de se foutre de sa tête ?

« Je ne voulais pas parler de ce genre d’origines. Je voulais si t’étais ange, démon, les deux, ou humain. Mais en général, je préfère dire origine, histoire de ne pas vexer. »

Nan parce que, ça lui était déjà arrivé de se faire manger la truffe sous prétexte qu’il avait demandé à quelqu’un s’il était un ange. Il n’avait pas mis longtemps à comprendre que ça avait été une grave erreur de demander cela à un démon de pure souche. Et donc, ayant bien compris la leçon, il préférait ne pas demander directement, avec les mots démon, ange, ou encore pire, hybride.

Mais Ethan n’attendit pas vraiment la réponse, tournant la tête pour de nouveau fuir le regard de l’homme. Il n’était vraiment pas à l’aise, quand il s’agissait de parler aux gens en les regardant dans les yeux. Et puis là, la question était un peu plus spéciale.
S’il venait de l’Extérieur ? Il y avait un Extérieur ici ? Est-ce que le Monde dans lequel il avait grandit était en réalité l’Extérieur de Lichtland ?

« Mmh...Je sais pas si je viens de ce que tu appelles Extérieur...Mais je ne suis effectivement pas né ici. Je ne sais pas vraiment d’où je viens en fait. »

Amadäus ouvrit de grands yeux en regardant le type.

« J’y crois pas… Ca existe des non-humains qui arrivent pas à reconnaître des humains du premier coup d’œil ? La vache ! Et dire qu’il faut que ça tombe sur un esclave ! Galère… »

L’humain s’adossa encore plus au banc, tête penchée en arrière, dans le vide. Sa réponse n’avait pas été des plus explicite mais suffisait à faire comprendre qu’il était bien humain. Qu’est ce que cela avait de si surprenant d’ailleurs ? Plus de soixante pour cent des esclaves étaient humains. Si ce n’était pas plus. Ce dernier se demanda s’il existait un recensement précis dans cette ville de fous. Cette ville honnie mais une ville qu’il aimait malheureusement. C’était un autre trait humain malheureusement. Ils restaient très souvent attachés à leur petit train de vie et à leurs racines terrestres, l’endroit où ils vivaient était important à leurs yeux. Les non-humains avaient moins tendance à s’attacher à ce genre de chose. L’esclave démoniaque lui parla de ses propres origines. Amadäus soupira et ferma les yeux laissant doucement le soleil lui caresser cette peau blanche qui était la sienne. Moins blanche que celle de l’ami Corbac toutefois.

« Récapitulons. Avec ce collier, tu peux rien faire… Voler, c’est pas possible et marcher, c’est pas top. Pour les pouvoirs, je me demande même si tu en as. Tu sais pas d’où tu viens, tu me dirais que tu sais pas comment t’es arrivé à Lichtland que j’en serais pas surpris. A quoi tu sers au final ? Me dis pas que tu n’as pas envie de te libérer des chaînes de ton maître ou là… Ca serait vraiment pathétique. Tu veux rester esclave toute ta longue future vie, mon gars ?»

L’humain avait redressé la tête et regardait d’un regard blasé son interlocuteur. Il pensait à la rébellion. Jamais ce type ne serait utile activement pour elle. Peut-être pourrait-il être un agent de résistance passive. A moins que cette petite provocation ne lui fasse découvrir quoique ce soit d’intéressant.