Punition new age

Samedi d'octobre, la journée était belle. fraîche mais belle, le soleil les réchaufferaient. Aloysius attendait les punis. Mais comme il avait horreur d'attendre sans rien faire, il avait pris son balai et s'était mis à dépoussiérer le mur de bois qu'il avait en face de lui. Enfin dépoussiérer était un grand terme. Précisons plutôt que le toit faisait une avancée par rapport au mur et que nombre d'araignées adoraient installer leurs quartiers dans cette endroit. Cela ne dérangeait personne en tant normal -il fallait bien que chacun vive sur cette terre même les araignées- ça allait être plutôt gênant pour la journée. Cela dit, cette tâche fut rapidement faite.

Il scruta la surface du mur. Il n'y avait pas beaucoup de travaux en ce moment pour le personnel qui s'occupait du maintien des locaux car tout avait été fait pendant la trêve d'été. La veille, ils avaient donc pu s'occuper à décaper le mur de bois en face de lui. Ce travail était difficile et rude. Chose qu'il ne servait à rien de faire faire aux deux punis d'après sa discussion avec le directeur. Autant occuper les employés et leur épargner cela. Il recula de trois pas et admira le travail. Oui, le mur de ce grand bâtiment où l'on rangeait tout le matériel de réparation et d'entretien de l'académie était prêt pour cette fameuse punition.

Il y eut un bruit dans les herbes, Aloysius tourna vivement la tête pour voir son dragon sorti de sa longue immobilité pour bondir sur la proie qui avait finalement osé bouger de son trou. Briquet était un remarquable chausseur de souris et de taupes. Cela surtout parce que ça l'amusait. Un bruit de pas de l'autre côté et le concierge vit ses punis venir. Il fit un signe de la main pour leur dire d'approcher avant de leur souhaiter le bonjour.

"J'espère que vous n'aviez pas programmé trop de chose ce week end parce que sinon je crains que vous ne deviez le décommander. Vous avez des questions quelconques avant que je ne vous explique en quoi consiste votre tâche ?"

Il eut un sourire : il ne voulait pas brusquer ces deux là. Quelque part, en les voyant, il eut l'impression de se trouver face à des chatons abandonnés.

Elle avait finalement reçu la lettre dans sa boîte. Aloysius Rierdan... C'était qui ? Mais puisque cela faisait partit de la punition du directeur, Liatris s'était sagement préparée.
Entendons en cela qu'elle avait simplement pris sa besace, un carnet et ses stylos, sans trop savoir à quoi s'attendre.

D'habitude elle devait copier le règlement. Mais cette fois-ci elle ne comprenait pas bien pourquoi est-ce qu'il faudrait des vêtements spéciaux. Pas salissants ? ... mais tout était salissant, dans la mesure où l'on se tâchait. Ce fut donc très perplexe qu'elle enfila un jean usé et un tee-shirt noir à manches longues, ses sempiternelles baskets trouées aux pieds. Ca se salissait... Mais se salir n'était pas grave, si ? Elle était un peu stressée : avait-elle mal respecté la consigne en choisissant ces vêtements ?
Mais l'heure approchait et elle fila dans les couloirs. Elle ne savait pas si Vaast serait là. En vérité, elle l'espérait très fort.

Elle avait bien envie de revoir son seul ami. Même s'ils se voyaient toute la semaine étant dans la même classe, ils ne pouvaient pas se parler pareil, parce que c'était très mal de parler pendant les cours, comme l'avait - gentiment - réprimandé Gwen Garron en début d'année.
Alors elle ne disait plus rien du tout mais lançait souvent à Vaast de petits coups d’œil furtifs.

Se revoir un peu la rendait heureuse. Et ce fut de plutôt bonne humeur qu'elle arriva sur les lieux de la punition, voyant un vieux monsieur au loin. Elle fut un peu déçue de voir qu'elle était la première mais son visage très pâle n'exprimait qu'une curiosité un peu naïve alors qu'elle approchait du monsieur. Elle cru voir passer non loin d'elle un petit éclair rose et noir mais elle se dit qu'elle devait avoir rêvé. Les dragons roses, ça n'existe pas.

Finalement, elle vit Vaast la rejoindre alors qu'elle s'arrêtait à hauteur du concierge - qu'elle n'avait encore jamais vu et elle fit à son ami un grand sourire content.
Alors que le vieil homme les saluait, Liatris se tint près de Vaast, toute tranquille, l'air docile et attentive.

"Bonjour Monsieur Aloysius Rierdan." Dit-elle, un peu évaporée.
Elle aimait bien les vieux messieurs, parce qu'ils étaient souvent plus gentils. Et son professeur à l'orphelinat était un vieillard très gentil dont elle se souvenait très bien. Elle se sentait bien plus à l'aise qu'à l'accoutumée.

Secouant la tête, elle dit simplement :
"Je n'ai rien commandé. Je peux pas décommander, je suis désolée."
Elle était sincèrement désolée. Aurait-elle dû commander quelque chose ? Elle réfléchit un instant et ajouta :
"Je suis désolée, je crois que mes vêtements se salissent quand même parce que je connais pas de tissu qui se salit pas... Mais c'est pas grave, hein ?"

Elle espérait vraiment que ce soit le cas.

Une colle un samedi. Super. Bravo Vaast, tu viens de démontrer à quel point tu est nul et pittoyable. Traînant un peu dans le dortoir pour une fois le jeune homme tentait de réfléchir à ce qui allait lui arriver aujourd'hui. Liatris avait dit qu'ils faisaient des lignes pendant les colles... mais se retrouver au lac indiquait clairement que ce ne serait pas le cas. Et puis on leur avait dit de ne pas prendre de vêtements salissant. Pour le jeune homme cela ne voulait dire qu'une chose : il y aurait du sang.

Il y avait cru pendant un instant, qu'il ne serait pas frappé. Mais ce ne serait visiblement pas le cas. En même temps... il avait désobéis et s'était retrouvé à des évennements qui avaient poussés le directeur par terre. Donc c'était logique. De ce fait Vaast s'était déjà fait une raison dans sa tête et avait sorti son nouveau pot de crème qu'il déposa sur le coin de sa table de chevet pour pouvoir l'atteindre plus facilement plus tard. Il ne savait pas dans quel état il rentrerait.

Il avait mis des vêtements d'entraînement qui cachait toujours efficacement son corps mais qui pouvaient être déchirés ou salis sans problèmes. Une vieille paire de bottes montantes à tout faire sur un pantalon épais, un sous-pull à col roulé très montant sous un pull rouge avec un col en V. Pratique pour se déplacer avec et dans lesquels il était à l'aise. Il prit une de ses écharpes, plus fine que celle qu'il prenait habituellement, d'un noir sobre, et l'enroula sommairement avant de se rendre à son lieu de punition tout en réajustant ses gants, prenant soin qu'aucune partie de son corps ne soit visible.

Il était bien moins couvert qu'à l'accoutumé et ses formes bien plus athlétiques qu'on ne l'aurait pensé étaient visible. Ses bras n'étaient pas deux roseaux mous mais avaient un dessin de muscles, faible mais bien présent. Les mains dans les poches, avec toujours cette attitude qu'il voulait froide et distante, il descendit rapidement et avec agilité pour ensuite se rendre à son lieu de rendez-vous.

Il n'avait pas peur de la douleur, loin de là, il s'y était habitué avec le temps. Mais il détestait anticiper. Il detestait se demander avec quoi il serait puni. Même s'il savait qu'il l'avait mérité. Parce que cela lui rappelait à quel point il était faible et inutile. Pourtant il se dirigea vers sa punition, comme si de rien était, comme si c'était naturel. Car ça l'était. Tout autant que rentrer dans l'arrière cuisine l'était à la maison.

Et puis il fut rassuré de voir Liatris près de l'imposant concierge dont il avait beaucoup entendu parler. Dans le fond de sa poche il senti le caillou qu'il lui avait donné cette nuit là. Il n'y croyait toujours pas vraiment mais il voulait vraiment y croire. A son ami. Son premier ami depuis tellement longtemps. Ils ne se parlaient pas beaucoup mais de temps en temps ils se regardaient en cours. Vaast gardait un oeil sur lui quand il le pouvait, se demandant comment faisait ce maigrichon pour survivre. Et aujourd'hui encore ses vêtements étaient informes et rapiécés.

"Bonjour," fit sobrement Vaast, cherchant à parler le moins possible.

Dans l'absolu il se serait contenté d'un signe de tête mais beaucoup de personnes avaient du mal avec les gestes, il l'avait appris. Alors il se forçait à au moins dire ce mot là, malgrés le fait que ça le mettait mal à l'aise de parler. En plus ça grattait le fond de sa gorge, c'était désagréable.

Il secoua simplement la tête quand le concierge leur parla et sorti ses mains de ses poches, le dos droit et le visage toujours aussi inexpressif, comme si tout cela ne le regardait pas. Posant un regard sur Liatris il se demanda s'il avait d'autres vêtements que ceux qu'il portait. Il pensa un instant à lui en donner des siens mais se ravisa. Il était bien plus grand que lui, il flotterais dedans. Encore une fois, d'où venait cet interêt pour le ventus ? C'était sans doute parce que c'était un... ami ?

Et bien, ils n'avaient pas l'air bien rassurés ces deux là. Mais il n'était pas certain qu'ils soient vraiment inquiets non plus. Enfin, disons que leur attitude était différente, Liatris avait l'air d'être un peu anxieuse mais curieuse. Vaast donnait l'impression que c'était son énième condamnation à mort. Heureusement que le directeur l'avait prévenu de leur cas particulier. Sinon, il n'aurait pas changé son idée de punition première. Tant pis, ça serait moins utile pour lui mais il fallait savoir garder de l'imagination et innover dans les punitions.

Il répondit d'un signe de tête et d'un sourire au bonjour du rouquin. Enfin si on pouvait l'appeler comme tel vu la couleur de ses cheveux. La petite semblait anxieuse concernant ce qu'il disait. Étrange. Elle semblait tout retenir comme si elle était un chalut à paroles. Il la détrompa rapidement :

"Non, Liatris, ce n'est pas grave. Et les vêtements que tu as choisi pour cette tâche sont exactement ce qu'il faut."

Il respira un instant et les regarda. Et bien, d'habitude ce n'était pas si dur mais ils avaient vraiment l'air de chatons abandonnés. Ou de chiots. Un peu gêné, il tendit le bras et attrapa son balai qu'il avait posé contre le mur. Il se sentait un peu nu sans, depuis le temps. Il inspira à nouveau et se lança :

"Bon. Vous êtes ici parce que vous avez enfreint le règlement. La nuit on doit dormir et on doit dormir dans un lit. Vous avez chacun droit à un lit très confortable et douillet dans vos chambres, il faut l'utiliser. Pas question d'aller vagabonder dehors, ça pourrait être dangereux."

Bon allez, il allait écourter la leçon de morale, ça l'ennuyait. Il se tourna vers le mur, leur indiquant du geste de la main de faire la même chose.

"Votre punition sera la première du genre, à vrai dire. Il n'est pas question que vous perdiez votre temps à copier des lignes ou à faire une dissertation. Vous allez faire dans l'utile. Et le joli aussi. Hier, nous avons préparé ce mur pour vous. Aujourd'hui, vous allez le peindre. Mais attention ! Vous n'aller pas le peindre n'importe comment. Je veux que vous y dessiniez un dragon sur tout le mur."

il se mit à marcher vers l'intérieur du bâtiment en leur faisant signe de suivre. Il ouvrit la porte, la pénombre y régnait mais c'était suffisant pour n'avoir pas besoin de lumière. Il désigna du doigt les différents pots de peinture, les pinceaux, les échelles, le matériel suffisant et nécessaire. Il y avait beaucoup de couleurs différentes et certains pot étaient même neufs. En particulier, l'un d'entre eux était rose. Il avait été acheté la veille sous l'insistance agaçante de la bestiole du vieil homme. Il avait cédé.

"Tout le matériel est là. Si jamais vous avez besoin d'une instruction ou vous avez une question, posez la quand vous voulez. Je vous conseille juste de vous organiser, vous êtes deux pour ça. et de faire un petit croquis avant de commencer à le faire en vrai."

Il ouvrit la porte un peu plus grand pour faire entrer plus de lumière.

"Petite précision. Votre peinture sera au vu et sus de tous. En fait, ce seront même les autres élèves qui jugeront si vous avez bien accomplit votre punition ou pas."

La vraie punition était là, en réalité. Sentir le poids du regard des autres, s'affirmer à leurs yeux. Ces deux élèves voulaient souvent être invisible, cela allait les amener sur le devant de la scène. Il termina :

"Vous avez jusqu'à demain soir. N'oubliez pas d'aller manger ou dormir ! Et vous devrez dormir où ?"

Il les regarda attendant la réponse d'une commune voix. Ensuite, il pourrait partir les laisser à leur travail.

Liatris était contente de voir Vaast avec elle. Au moins leur punition se faisait ensemble. Elle se demanda si elle pourrait faire le double de la tâche qui les attendaient parce qu'il lui semblait toujours injuste qu'il soit puni juste pour ne pas pouvoir dormir avec son dragon. C'était assez frustrant finalement, d'être collés tous les deux alors que c'était elle qui avait fait voler le directeur.
Mais elle s'en accommodait néanmoins avec sa docilité habituelle.

Le concierge, cependant, avait l'air très gentil - comme tous les vieux messieurs - puisqu'il lui assura que ses vêtements étaient très bien pour ce qu'ils feraient. Elle se rengorgea avec une pointe de fierté. Au moins avait-elle fait quelque chose de bien.
Le sermon lui passait au dessus de la tête, tout simplement parce qu'elle n'avait jamais eu de limites. On ne l'avait jamais élevée ou cadrée. Mais elle écoutait tout de même, hochant gravement la tête. Oui, ils avaient des lits très confortables, c'était vrai. Et c'était agréable de dormir dedans. mais elle aimait bien aussi ne pas dormir trop, parce que c'était une perte de temps et qu'on finissait sinon par se faire trouver par la garde ou par les bêtes sauvages. C'était plus dangereux, à son avis, de rester dormir toujours au même endroit - tout le monde saurait où la trouver - que de se promener mais elle s'en dit rien, se contentant d'hocher la tête, un peu évaporée.

Finalement l'annonce de leur punition tomba... Dessiner un dragon sur le mur ? D'abord surprise, puis émerveillée, Liatris suivit le concierge sans rien dire, découvrant la remise où s'entassait le matériel utile pour réaliser ce genre de fresque. Des pots de plein de couleurs différentes, deux échelles, des pinceaux de toutes tailles... Les yeux écarquillés, véritablement subjuguée par toutes les couleurs qui les attendaient, elle suivit de nouveau Aloysius près du grand mur blanc.

"Dans le lit." Dit-elle après sa dernière phrase, d'un ton distrait, obnubilée par la peinture. Ils avaient même tout le temps pour ça...

"Ouaaaa, c'est vraiment chouette... Je ne sais pas faire mais je ferais de mon mieux, c'est promis, pour que ce soit joli !" Fit Liatris d'un air très décidé. Elle ne voyait pas trop en quoi tout ceci était une punition. Même si l'idée que ce soit les autres élèves qui jugent du bon déroulement de leur punition lui semblait un peu stressante... Mais c'était bien quand même... Elle n'avait jamais pu peindre des choses ou faire des dessins - elle en avait fait un peu à la petite école de l'orphelinat quand elle était toute petite....
Peindre un dragon... Elle n'aimait pas les dragons, mais un dessin de dragon c'était joli, des fois. Et puis le dragon de Vaast était très très beau, tout en or avec des yeux turquoise, comme des pierres précieuses. Pas comme Léthé, qui était vraiment effrayant. Mais d'autres dragons des élèves étaient jolis, comme celui d'Aldo, aussi, qui avait l'air toute douce, avec toutes ses plumes toutes blanches...

Sans aucune autre façon, elle prit le bras de Vaast pour le tirer à sa suite en direction de la bibliothèque, lançant au vol au concierge, complètement dans la lune :

"Merci monsieur Aloysius Rierdan !" Avançant rapidement en tirant toujours Vaast de sa main frêle, elle semblait plutôt contente et enthousiaste. "Viens, on va à la bibliothèque, j'ai vu un livre où qu'il y avait plein de beaux dessins de choses et des dragons aussi... Moi je sais pas peindre ou dessiner mais tu m'apprendras, hein dis ?"

Elle était contente : voilà qu'elle allait pouvoir faire des choses jolies avec Vaast, son ami. Elle était très contente et elle trouvait que copier des lignes et peindre des dragons étaient des activités très amusantes. Elle avait toujours pensé les punitions douloureuses mais visiblement, elles étaient plutôt chouettes !
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